1 septembre 2007 6 01 /09 /septembre /2007 16:08


L'art du faux II

 

    Non loin du trompe-l'oeil dégoulinant du 39 avenue Georges V, un autre trompe-l'oeil, permanent celui-là, se joue des codes haussmanniens. Il s'agit du nouvel hôtel Fouquet's Barrière, au coin de la rue Quentin Bauchard et de la rue Vernet, à deux pas des Champs Elysées.


  trompe-l-oeil-moul---trou---3.jpg  Façade de béton en moulé-troué d'Edouard François


    Pour relever le défi d'unifier sept immeubles hétérogènes (haussmanniens, Louis-Philippe et année 70), l'architecte Edouard François a inventé le «moulé-troué». A partir d'un relevé en 3D d'une façade haussmannienne, l’entreprise Novidis a moulé des panneaux en béton qui ont été ajustés sur les sept lots liant ainsi un ensemble disparate.  L'architecte a crée une cohérence visuelle en recréant le rythme du dix-neuviéme siècle: «Un bâtiment haussmannien, c'est quoi? s'amuse-t-il. Des têtes de lion, des anges, des corniches et une certaine hauteur d'étage. On n'a qu'à mouler le tout ! On moule, on coule, on coupe et on crée un décor de pierre sur les deux façades à combler, comme un nouvel épiderme, une anamorphose, avec un décalage d'échelles pour les moulures .... La façade se déroule comme un papier peint en trois dimensions” et les nouvelles fenêtres sont comme des tableaux accrochés au mur".


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tête de lion, ornement haussmanien en béton moulé-troué


    Les étages des différents lots ne correspondant pas à l'apparence du nouveau bâtiment, les fenêtres haussmaniennes sont murées et Edouard François perce des baies nouvelles qui de l'extérieur ont l'air d'être posées un peu au hasard. On voit donc des fenêtres classiques “à la française” aveugles et des fenêtres modernes côte à côte ou superposées. Comme le disait Le Corbusier: “L'extérieur est le résultat de l'intérieur”. Le moulé-troué standardise les façades tout en proclamant leur hétérogénéité d'origine.



trompe-l-oeil-moul---trou----fenetre.jpgFenêtres traditionnelles murées et baies vitrées décalées sur la façade n moulé-troué du Fouquet's


    Le vocabulaire ornemental du dix-neuvième siècle (sculptures, moulures, linteaux en pierre, balustrades en fer forgé et portail en bois) est ironiquement reproduit en un seul matériau. Le béton, par sa brutalité, souligne la joliesse traditionnelle des éléments décoratifs et les interstices entre les plaques de béton ne font qu'accentuer le jeu entre la tradition et l'invention. Juxtaposer une porte d'aluminium et un portail en béton, copie d'une porte cochère en bois, crée un effet comique. L'ornement qui devrait cacher le matériau brut le révèle. C'est un pied de nez à l'architecture rationnaliste.


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Le beffroi post-moderne de Edouard François avec sa fausse porte cochère en béton


    La façade étroite de de la rue Vernet, sorte de beffroi post-moderne, se remarque peu le jour. La nuit une lumière mauve la met en valeur.
«La couleur grise, celle des toits parisiens, a été un choix difficile à faire passer, je voulais que la réplique haussmannienne tranche», dit l'architecte Edouard François. Pas de problème, elle tranche.
    La sévérité de l'ensemble est atténuée par le ciel changeant de Paris qui se reflète dans les vitres.


trompe-l-oeil-moul---trou----2.jpgDétail des ornements de la porte cochère en béton et métal


    On peut voir cette architecture ludique, permanente au contraire du trompe-l'oeil éphémère de l'avenue George V, au coin des rues Quentin Bauchard et Vernet. Dans un Paris que certains veulent muséifier, il est encore possible d'innover, même dans le triangle d'or des Champs Elysées.


A l'opposé de cette architecture ludique, voir l'architecture "sérieuse" de Paris Rive Gauche


voir: le trompe-l'oeil dégoulinant de l'avenue George V
       
le trompe-l'oeil du Printemps, boulevard Haussmann
       
le trompe-l'oeil chocolat de LCL, boulevard des Italiens
       
Ceci n'est pas un trompe-l'oeil: le nouveau musée Magritte à Bruxelles
       
Les trompe-l'oeil de la place Vendôme



    Catherine-Alice Palagret 
 Août 2007


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