18 avril 2008 5 18 /04 /avril /2008 12:34


 Des sculptures, des fossiles
et
des faux ...


    Depuis que Louise Bourgeois expose Maman, son araignée géante, dans le jardin des Tuileries, les araignées du cabinet de curiosités d'Aristide Sauveterre attirent les curieux.


Araignée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries devant le Louvre


    Dans le jardin du collectionneur, trois inquiétantes araignées géantes s'affrontent en un combat immobile. Aristide dit les avoir acquises sur photo auprès de Dimitri Sergueï Kalnikov, un paléontologue amateur d'Oulan-Bator, en Mongolie. Non sans ironie, Aristide les a baptisées Euphrosyne, Thalie et Aglaé, les Trois Grâces, car pour lui ces silhouettes de cauchemar sont la personnification de l'allégresse, de l'abondance et de la beauté.

    Examinée de près, Euphrosyne laisse voir à travers sa carapace déchirée un squelette! Surprenant car les araignées n'ont pas de squelette! S'agirait-t-il d'une consolidation, un fossile de cette taille est très fragile. L'armature intérieure est en bois entouré de corde. L'enveloppe, quant à elle, est en cuir bourré de boue et de paille séchées. Il est évident qu'il ne s'agit pas de vraies arachnides dessèchées mais d'habiles reconstitutions. Admettant la supercherie, Aristide ne s'en émeut guère. Un cabinet de curiosités contient aussi bien d'authentiques pièces rares que des faux notoires. Pour le collectionneur, ces oeuvres fabriquées par un artisan anonyme et génial valent bien de vrais fossiles. Fabriquées avec des matières pauvres, cuir de yak, bois, chanvre et pigments naturels, elles datent selon lui des années vingt. S'agit-il d'une oeuvre d'art? Non, l'intention de l'artisan était de fabriquer des fossiles qu'il pourrait vendre aux amateurs crédules. Le faussaire a-t-il vraiment floué quelqu'un? Sur photos peut-être. Peu importe, même fausses, les araignées fossiles sont assez impressionnantes pour plaire à un collectionneur tel qu'Aristide.


    Il y a trente ans, les Trois Grâces d'Aristide Sauveterre ont fait la Une des journaux locaux quand il les a montées dans son jardin mais depuis plus personne ne s'y intéressait à part le Maire. Sa phobie des araignées est telle qu'il harcelait Aristide pour qu'il les enlève ou du moins les cache derrière une bâche.
- Vous voyez trop de film d'horreur, se défendait le collectionneur. Comme si une araignée allait renaître, poursuivre les villageois, attraper une frêle jeune fille et la tenant délicatement entre ses pattes chitineuses lui arracher voluptueusement la tête!

- Elles font peur aux enfants, assurait le Maire!
- Elles font plutôt peur aux adultes, répliquait Aristide. Les enfants sont fascinés par ces insectes géants: ils se perchent sur le mur pour mieux les voir. Qui sait si un enfant du village ne deviendra pas un entomologue ou un paléontologue célèbre à cause d'elles.

    Maintenant qu'un conseiller municipal a vu un reportage sur TF1 montrant une Maman, l'araignée géante de Louise Bourgeois dans le Jardin des Tuileries à Paris, le Maire ne voit plus les monstres d'Aristide du même oeil. Il voudrait mettre une photo d'Euphrosyne, Thalie et Aglaé dans la brochure touristique de la ville. Aristide refuse, ses trésors ne sont pas une attraction foraine. Le bouche à oreille a cependant fonctionné et chaque jour Aristide chasse des curieux qui cherchent à se faufiler dans sa propriété. Qu'ils se contentent de l'araignée des Tuileries, grommelle-t-il! Il soupçonne d'ailleurs la plasticienne Louise Bourgeois de s'être inspiré de ses Trois Grâces. Ne voit-elle pas, elle aussi, une figure féminine dans son monstre à huit pattes?



Les Trois Grâces. Groupe en bronze d'Aristide Maillol
jardin des Tuileries
    Autre coïncidence, Maman n'est pas loin des Trois Grâces d'Aristide Maillol, des grâces plus charnues que les Euphrosyne, Thalie et Aglaé du cabinet de curiosités.

    Le cabinet de curiosités d'Aristide Sauveterre contient d'autres fossiles, pas plus authentiques que ses araignées monumentales. Au moins, ils tiennent à l'intérieur du cabinet de curiosités. Il s'agit de minuscules squelettes de dinosaures, des faux du dix-neuvième siècle soigneusement fabriqués à partir d'os de tuco-tuco par un taxidermiste bolivien en exil à Paris. Aristide a acheté  ces petits animaux dans une boutique de livres anciens rue Dauphine, il y a trente ans.


Un dinosaure animé à Jurassic Park. Photo: TheCx

    Alors qu'il préparait Jurassic Park I, un assistant de Steven Spielberg, ayant entendu parler de ces dinosaures minuscules, est venu prendre des photos de l'ensemble.


T-Rex de Jurassix Park. Photo: wallyg



Aristide n'a pas vu le film de Spielberg mais il ne serait pas surpris d'y trouver des créatures inspirées de sa collection.


    Minuscules ou géants, vrais ou faux, les fossiles d'Aristide Sauveterre s'intègrent parfaitement à sa collection de naturaliae.



Liens:
Catherine-Alice Palagret
avril 2008
cabinet de curiosités




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