17 juillet 2008 4 17 /07 /juillet /2008 13:50


Destruction-compression de l'écrit


    « Un mois de lecture » indique la dimension temporelle de cette oeuvre de César, une tentative de retenir le temps qui passe, de donner un sens à l'éphémère et aussi, avec humour, de dire que toute activité humaine est vouée à la destruction et à l'oubli. Tous ces livres, ces journaux porteurs de réflexions ou de langue de bois, de jugements honnêtes ou perfides, de diatribes et parfois de poésie se retrouvent mélangés à des réclames pour des produits ménagers, des chaînes hi-fi ou du saucisson. Tout est dérisoire, tout se vaut, tout est vanité. La parole s'envole, l'écrit reste, dit le dicton! Ici, l'écrit lui aussi disparaît. Reste l'oeuvre d'art.


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier


    César aimait jouer avec la matière, la transformer, la plier à sa fantaisie.
Il disait: "Je suis le contraire d'un intellectuel. Je suis un tripoteur: je fais de la sculpture comme j'aidais, autrefois, ma mère à écosser les petits pois." 1   Comme les compressions de voitures, les compressions de papier sont obtenues par un processus industriel. Avec une presse, les récupérateurs fabriquent de gros ballots cerclés de fer. 
 


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier


    Répandre  de la mousse en formes douces,  broyer des voitures entre de puissantes machoires métalliques ou  compacter des mots imprimés étaient des processus nouveaux, détournés de leur utilité pratique et mercantile. Ainsi César créait de nouvelles formes et de nouveaux concepts.


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier
4€ 50, détail des prospectus


    « Un mois de lecture des bâlois » est la reconstitution partielle d'une oeuvre éphémère que César présenta à Art Basel (Bâle) en 1996. L'oeuvre monumentale comprenait à l'origine cinq modules. Elle a disparu depuis. Dix ans après la mort de César, Jean Nouvel en propose une variante. Ici, nous n'avons que trois piles, chacune constituée de 80 balles de papier. Chaque pile  mesure 4,4 x 7,2 x 5,5 mètres pour un poids global de 375 tonnes.


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier,
dans le jardin à l'arrière du bâtiment


    Cette nouvelle compression de papier, organisée par Jean Nouvel, est réalisée à partir de papiers parisiens d'aujourd'hui. Les prospectus commerciaux aux couleurs vives se détachent sur les journaux et leurs prix affichés en euros datent l'oeuvre. On ne sait pas si les papiers ont été sélectionnés ou si seul le hasard est responsable du choix des imprimés.


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier.
canyon entre les balles de papier compressés


     Comme pour les oeuvres de Richard Serra, cette compression monumentale s'apprécie en marchant autour et à travers les canyons de papier. Mais c'est aussi une oeuvre conceptuelle dans la lignée des compressions de voiture, des expansions de polyuréthane et des empreintes du corps humain agrandi.


"Un mois de lecture des bâlois" compression de César,
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier.


    Les compressions de papier sont exposées dans le jardin, derrière le bâtiment transparent conçu par Jean Nouvel pour la Fondation Cartier. Très intéressés par les murs de papier, les enfants y cachent des objets ou y cherchent des trésors. Des visiteurs s'attardent à lire les mots rescapés du broyeur,  tâche impossible tant la compression est immense. D'autre arrachent des petits fragments au passage. Le collectionneur Aristide Sauveterre a été tenté mais il a su résister à la tentation. Tant pis, son cabinet de curiosités n'aura pas un petit morceau de César!

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 "Un mois de lecture des bâlois" compression de César
revisité par Jean Nouvel à la Fondation Cartier.
Les enfants cherchent un trésor dans les interstices du mur de papier.


        La compression "Un mois de lecture des bâlois" est fragile mais peut importe puisqu'elle est éphémère. Si elle survit quand même, les archéologues du futur pourront y déchiffrer un fragment de l'histoire du XXIè siècle. Les strates de papier, bien qu'abîmées et collées les unes sur les autres, pourraient devenir des archives inestimables.


voir les expansions rouillées de César 

Catherine-Alice Palagret



César
, Anthologie par Jean Nouvel
Du 8 juillet au 26 octobre 2008
Fondation Cartier pour l’art contemporain

Tous les jours, sauf le lundi, de 11h à 20h. - Nocturne le mardi jusqu’à 22h.

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