1 octobre 2008 3 01 /10 /octobre /2008 14:06


Michael Jackson, la Panthère rose et  Rabbit,  prisonniers d'une cage de verre


    Difficile de voir Rabbit, l'oeuvre la plus célèbre de Jeff Koons, quand il est entouré de vitres dans lesquelles se reflètent les fenêtres du château. Le beau lapin argenté se dédouble et renvoie des reflets parasites s'ajoutant à ceux du décor du salon d'Abondance.



Rabbit de Jeff Koons, 1986, acier inoxydable
104,1 x 30,5, Salon d'Abondance

 
     Il ne devrait refléter que les visiteurs et le somptueux décor baroque qui l'entoure. Murs tapissés d'arabesques vertes, lourds cadres dorés, boiseries dorées et marbre entrent en conflit avec le quadrillage des fenêtres. La riche ornementation devrait contraster avec la simplicité de Rabbit. L'effet est perdu et le lapin en devient illisible. Emprisonné dans une cage de verre, comme le veau d'or (golden calf) de Damien Hirst, il perd de sa légèreté et de sa présence. Dans son miroir déformant on ne le voit plus.




Rabbit de Jeff Koons, 1986, acier inoxydable
104,1 x 30,5, Salon d'Abondance

    Les photos de presse ou de catalogue, prises sans vitrine ou soigneusement détourées, n'ont rien à voir avec ce que le visiteur perçoit réellement. Au gré des nuages et des heures, les reflets changent de place offrant une nouvelle vision morcelée. Le reflet est part intégrante des oeuvres polies et lisses de l'artiste américain mais la vitrine ajoute une complication visuelle inutile.




Rabbit de Jeff Koons, 1986, acier inoxydable
104,1 x 30,5, Salon d'Abondance


 
    De plus une barrière empêche le visiteur d'approcher et de faire le tour de la sculpture. Les sculptures ne doivent-elles pas être vues de tous les côtés, ce qui est le cas lorsqu'elles sont exposées dans un musée? En septembre 2008, au MCA de Chicago, Rabbit n'était pas en cage ni derrière une barrière.


Rabbit et Jeff Koons à Chicago


 
    "Rabbit" (1986) le célèbre lapin argenté, est inspiré d'un jouet gonflable (un lapin de Pâques). Agrandi à un mètre, en acier inoxydable poli, il donne l'illusion d'être un léger ballon alors qu'il est fait de métal solide. Koons travaille sur les gonflables (inflatable) depuis 1979 où il acheta des fleurs en plastique dans un magasin.

« Les objets gonflables, bien sûr, sont une métaphore des gens; pour moi, ils sont une métaphore de la vie et de l'optimisme. L'image la plus morbide que je connaisse est celle d'un objet gonflable qui s'est effondré. » déclare Jeff Koons 1.
Pour ne pas affronter la mort des jouets gonflables, l'artiste les pérennise en métal increvable et imputrescible.

    Puérile et parfait, Rabbit est l'icône de l'art néo-pop, un objet banal agrandi et placé sur un piédestal imitant le marbre. Sa présence dans le salon d'Abondance où Louis XIV exposait ses collections s'accorde parfaitement aux tableaux pompeux qui l'entourent. Célébrité dérisoire, Rabbit est peut-être aussi éphémère que la renommée des courtisans dont on a oublié le nom.




Rabbit de Jeff Koons, 1986, acier inoxydable
104,1 x 30,5, Salon d'Abondance



    On éprouve la même déception devant « Michael Jackson et Bubbles » dans le salon de Vénus, eux aussi enfermés dans une cage de verre, momifiés. De même « Ushering in banality », la truie aux trois garçonnets dans le salon de Diane ou « Pink panther » dans le salon de la paix. Toutes ces sculptures sont tenues à distance du visiteur et perdent un peu de leur force.


    Le souci de sécurité est compréhensible, il faut protéger les oeuvres de la foule mais Jeff Koons pensait-il que ses oeuvres seraient exposées ainsi?


Michael Jackson et Bubbles, 1988, Jeff Koons
reflets parasites


    Les groupes de touristes se bousculent dans l'enfilade des appartements royaux, tentant de suivre leur guide qui brandit un parapluie rose, une tête de Mickey ou un bonnet de laine. Ils s'arrêtent brusquement devant un tableau, bouchant complètement le passage tandis que le guide récite un texte que son accent français rend incompréhensible à ses auditeurs américains, anglais ou italiens.


Pink Panther de Jeff Koons
porcelaine,1988, Salon de la Paix
 

    Les visiteurs étrangers venus visiter le château de Versailles s'offusquent peu de voir des oeuvres contemporaines dans les appartements royaux et beaucoup ne les remarquent même pas, trop occupés à identifier les innombrables tableaux et bustes à la gloire du Roi-Soleil décrits dans leur guide. Ce qui n'est pas mentionné n'existe pas.

Catherine-Alice Palagret
art contemporain
octobre 2008



1-in Chicago.mag.com

Partager cet article
Repost0

commentaires

H
merci beaucoup pour cette article
Répondre