6 décembre 2008 6 06 /12 /décembre /2008 18:37

   Des corps décapités, des têtes au corps introuvable, des torses sans bras ou des jambes sans torse, des corps démembrés avec obstination! Non, il ne s'agit ni des exploits glaçants d'un sérial killer dans une série télévisée ni de découvertes archéologiques dans un temple oublié de Pamphilie. Ces corps mutilés que nous voyons quotidiennement sans nous émouvoir ne sont que des présentoirs pour vêtements.


mannequin sur un marché
buste en plastique sans tête ni bras

    Les mannequins qui paradent dans les vitrines ou sur les marchés ont rarement des corps entiers. La plupart sont réduits à leur fonction: un buste pour présenter un corsage, des jambes pour des bas, des mains pour les gants ou des têtes pour les chapeaux. Ce morcellement sadique qui déréalise le corps humain est avant tout économique. A quoi bon acheter des mannequins complets, lourds et onéreux quand un fragment de corps suffit à donner du volume au vêtement. Même une forme gonflable fait l'affaire.


Demi-mannequins argent et or

    La statuaire grecque a représenté le corps humain avec un réalisme idéalisé. Les romains représentaient leurs grands hommes en buste. Même si la tête des dieux et des héros était une pièce interchangeable, pour pouvoir l'adapter au goût du commanditaire, il n'y avait pas de statues sans tête. Si nous trouvons des statues antiques décapitées, c'est dû aux destructions des barbares, des iconoclastes ou du temps. La décapitation est un accident de l'Histoire. Les mannequins de vitrine sont eux aussi faits à notre image, ils sont notre reflet flatteur. Alors pourquoi la vue de corps décapités, ne nous dérangent-elle pas? Pourquoi ne pensons nous pas aux corps suppliciés de la Révolution française, aux corps mutilés par la guerre, les attentats et les accidents de la route? 


Mannequin rouge ayant perdu la tête


      Les journaux télévisés ne montrent pas d'images aussi horribles. La plupart des images de décapitation que nous connaissons viennent de l'iconographie religieuse: la tête de Saint Jean sur un plateau offerte à  Salomé ou Saint Denis portant sa tête. Ces images traditionnelles nous émeuvent peu. Quant aux magasins aux joyeuses couleurs, ils vendent du rêve, annihilant toute référence morbide et toute angoisse de fragmentation.


Buste argenté sans tête

    De même qu'un immense visage sur un écran panoramique ne nous surprend plus, de même les mannequins sans tête nous paraîssent évidents. Le cinéma, avec les gros plans, nous a appris à voir le monde en morceaux. Une représentation distordue de la réalité, une fois qu'elle est devenue habituelle, ne se remarque plus.


Mannequin sans tête, sans bras ni jambe
   Parfois un détail, "une inquiétante étrangeté" permet de se rendre compte que tout cela n'est pas normal. Alors que nous sommes habitués à la représentation de corps incomplets, soudain la vue d'un modèle sans tête surmonté d'un chapeau nous semble bizarre.


Mannequin d'enfant sans tête avec chapeau

    Les étalagistes ont une imagination fertile pour exposer les corps morcelés; quant à la représentation du visage des mannequins, elle est aussi très variée et parfois curieuse.


Robes noires portées par des mannequins sans tête
vitrine de Noël
 
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Catherine-Alice Palagret
Texte et photos
décembre 2008

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