14 décembre 2008 7 14 /12 /décembre /2008 22:13



     Exposés dans une armoire vitrée comme dans un cabinet de curiosités médicales, des fragments de corps nus monstrueux, boursoufflés, décapités, sont soudés l'un à l'autre dans une danse macabre. Cette terrible piéta, cette agonie christique est le monde terrifiant que Berlinde De Bruyckere nous donne à voir à l'espace Claude Berri.

Piéta, 2007; cire, époxy, bois, verre. Berlinde De Bruyckere
Collection Claude Berri


 
   Au milieu de la galerie, une grande vitrine de musée, ou d'apothicaire, contient des morceaux d'arbres tourmentés qui semblent souffrir autant que les corps mutilés de la piéta.

019, 2007; vitrine, cire, époxy, couvertures.
Berlind
e De Bruyckere
, collection Claude Berri
    Vitrifiées, les branches pourraient nous faire songer à Philémon et Baucis, l'un changé en chêne et l'autre en tilleul, si l'oeuvre n'était pas si dramatique. Ces arbres morts sont aussi des membres coupés, séparés.


019, 2007; vitrine, cire, époxy, couvertures. Détail.
Berlinde De Bruyckere
, collection Claude Berri
 

   Au-dessous des branches, horizontalement, des couvertures sont soigneusement pliées, une image récurrente dans l'oeuvre de l'artiste flamande. Les couvertures évoquent la sécurité mais aussi la misère et les sans-abri. On peut y voir l'influence de Joseph Beuys comme les branches pétrifiées renvoient au travail de Guiseppe Penone.

019, 2007; vitrine, cire, époxy, couvertures. Détail
Berlinde De Bruyckere
, collection Claude Berri
    Les couvertures usagées ont dû envelopper beaucoup de corps douloureux ou au contraire les soustraire au regard. Dans ses oeuvres précédentes, Berlinde De Bruyckere représente des femmes à la tête couverte d'une couverture, le visage caché. L'artiste ne montre jamais les visages: ils sont dissimulés ou inexistants.

Doorkroon II (Couronne d’épines II), 2008; cire, époxy, métal, verre, bois
 Berlinde De Bruyckere, collection Claude Berri
  Précieusement conservée sous une cloche reliquaire, se trouve une couronne d'épines, un enchevêtrement macabre qui ressemble à des viscères ou des os à la texture translucide.

Pour Manon, 2008; cire, époxy, métal, verre, bois
Berlinde De Bruyckere, collection Claude Berri
    Dans une vitrine posée sur une table, un fagot de branches  est lié de bouts de chiffon rouge effiloché. Une référence au nœud rouge qu’Ugolin cousit sur son cœur dans "Manon des sources", le film de Claude Berri (1986). "Pour Manon" a été crée spécialement pour cette exposition.

Pour Manon, 2008; cire, époxy, métal, verre, bois. détail
Berlinde De Bruyckere, collection Claude Berri
    Ces arbres et ces cadavres en morceaux sont faits de résine époxy et de cire teintée. Plusieurs couches sont nécessaires pour rendre la transparence de la chair avec ses veines bleutées ou le grain du bois. Les meubles présentoirs sont éraflés, fatigués, rafistolés. Ils ont vécus, ils ont une histoire. Berlinde De Bruyckere les trouve chez des brocanteurs ou des antiquaires. Avec les vieilles armoires vitrées, les vitrines et les tables, elle interroge aussi la notion d'exposition.

Piéta, 2007; cire, époxy, bois, verre. Détail.
Berlinde De Bruyckere
, collection Claude Berri
     On éprouve d'abord de l'effroi et du dégoût devant ces formes suppliciées puis de la pitié et le désir de sortir vite de ce lieu mortifère. L'oeuvre de  Berlinde De Bruyckere est troublante; elle parle de la mortalité de la chair, de sa souffrance et de sa déchéance dans des métaphores à la fois profanes et religieuses.

019, 2007; vitrine, cire, époxy, couvertures. Détail
Berlinde De Bruyckere
, collection Claude Berri
  Née en 1964 à Gand, élevée dans une institution catholique, l'artiste flamande connait parfaitement l’iconographie doloriste chrétienne. Les corps torturés racontent le  martyr des saints et la passion du christ sur les murs des musées et églises de Flandre. Berlinde De Bruyckere se souvient aussi des quartiers de viande que son père équarrissait dans sa boucherie.

    La plasticienne est célèbre depuis la Biennale de Venise 2003 où elle exposa "le cheval noir", un cheval sur une table en acier, la tête basse, épuisé, à l'agonie.

Cheval noir, Berlinde De Bruyckere, Biennale de Venise 2003
Espace Claude Berri
4 passage Sainte Avoye (entrée par le 8 rue Rambuteau)
Berlinde De Bruyckere
21 octobre – 20 décembre 2008

Palagret
art contemporain
décembre 2008

Partager cet article
Repost0

commentaires