14 février 2009 6 14 /02 /février /2009 00:10
   
    Non loin des cadavres entassés du Radeau de la Méduse, des Pestiférés de Jaffa ou de la Mort de Sardanapale, Yan Pei-Ming organise "Les Funérailles de Monna Lisa" au Louvre.



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Salon Denon au Louvre


   Dans le salon Denon aux murs tendus de rouge, Yan Pei-Ming expose un triptyque et deux portraits aux tons gris-blancs. Au centre de l'oeuvre, une copielargement agrandie de la fameuse Joconde de Léonard de Vinci.



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Toile centrale
Salon Denon au Louvre


    Comme des larmes, des coulures de peinture brouillent le léger sourire de Lisa Del Giocondo et ses mains  délicatement croisées.



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Le fameux regard à travers les coulures de peinture
Salon Denon au Louvre


    Le portrait carré de 2,8 par 2,8 mètres est flanqué de deux immenses paysages rêvés de 2,8 par 5 mètres, prolongeant la campagne florentine. Paysage indistinct ou mer agitée, le champ abstrait est semé de crânes humains, réalisés à partir d'un scanner du crâne de   Yan Pei-Ming lui-même.




"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
crânes en gris et blanc



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Salon Denon au Louvre


    La Joconde, même sans couleurs, a l'air bien vivante, ce qui n'est pas le cas des deux gisants peints sur les  tableaux qui l'entourent. A gauche du triptyque, un portrait du père de l'artiste, décédé mais les yeux ouverts, regardant son fils. A droite, un autoportrait prémonitoire de l'artiste mort. Le Louvre n'est-il pas le sanctuaire des artistes morts!  Les deux cadavres ont l'air paisibles sur leur lit de mort, comparés aux corps torturés, transpercés, décomposés des grandes peintures romantiques de Delacroix et de Géricault exposées juste à côté dans la galerie Mollien.

    L'oeuvre de  Yan Pei-Ming est un memento mori, une vanité, thème récurrent de la peinture classique exposée au musée du Louvre.



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
L'artiste mort, ou faisant semblant
Salon Denon au Louvre


     Réalisées dans son atelier d'Ivry-sur-Seine, les cinq toiles laissent voir des grumeaux et des éclaboussures de peinture à l'huile. A grands coups de pinceau, Yan Pei-Ming crée un paysage brumeux, évanescent comme celui de Léonard de Vinci mais loin de sa technique du sfumato si délicat.




"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Salon Denon au Louvre


    Avec "Les Funérailles de Monna Lisa", le peintre franco-chinois se confronte à l'icône absolue de la peinture occidentale classique, après les icônes de la culture populaire chinoise (Mao) et les icônes américaines (Obama-McCain). Comme Andy Warhol, il joue avec l'image des célébrités.


Obama-McCain, Yan Pei-Ming, FIAC 2008
Photo Photon


     Comme l'explique Yan Pei-Ming aux visiteurs en ce premier jour d'exposition, la Joconde est la peinture la plus célèbre au monde, une référence absolue. Des générations d'artistes l'ont copié ou caricaturé comme Duchamp et Warhol. En Chine, Yan Pei-Ming et ses amis s'exerçaient à recopier le tableau du maître italien. Peindre les funérailles de Monna Lisa ne veut pas dire qu'elle est morte à l'admiration des foules et ne fait plus sens aujourd'hui. Non, "Les Funérailles de Monna Lisa" sont une manière pour le peintre d'en finir avec cette icône mais non avec la peinture.

    Le polyptyque monumental de Yan Pei-Ming est entouré d'oeuvres classiques de la peinture française comme  "Roger délivrant Angélique" (1819) d'Ingres ou  de "Phèdre et Hippolyte" (1802) de Pierre-Narcisse Guérin. Un grand tableau non identifié présentant une scène romaine domine le triptyque.



"Les Funérailles de Monna Lisa" de Yan Pei-Ming
Salon Denon au Louvre


    Quelques pas plus loin mais invisible du salon Denon, la Joconde de Léonard de Vinci (1506), la vraie, est exposée derrière une vitre blindée. On ne peut pas la voir de près. La distance physique créée par la barrière et la distance psychologique dûe au discours culturel sur cette oeuvre font écran entre le visiteur et le tableau.



La Joconde de Léonard de Vinci derrière sa vitre blindée


    Voir la Joconde est plus un acte d'allégeance à la culture occidentale qu'une expérience esthétique. Qui oserait dire que ce n'est pas la plus beau tableau du monde? Pourtant, dans la Grande Galerie, la Vierge au rocher (1486) de Vinci est tout aussi magnifique.



La Joconde, une icône de l'art occidental, mille fois photographiée


    Avec ces "funérailles de la Joconde", Yan Pei-Ming nous fait regarder Monna Lisa autrement et tisse un lien ironique entre la Renaissance italienne et la peinture contemporaine. C'est la première fois qu'il y a deux Jocondes exposées au Louvre.

    

Yan Pei-Ming devant son oeuvre

 
  Depuis plusieurs années, le Louvre accueille des oeuvres contemporaines. Succédant à Picasso dans le salon Denon, la Joconde décolorée suscitera-t-elle autant de scandale que Jan Fabre face à la peinture flamande au Louvre ou que Jeff Koons au château de Versailles?


    Yan Pei-Ming, 48 ans, a quitté la Chine à l'âge de 19 ans où il peignait des affiches officielles de Mao le Grand Timonier, dans le style réaliste-socialiste. Il travaille aujourd'hui à Dijon.



Expositions récentes de Yan Pei-Ming
2006: Exécution, Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne
2007/08:Portraits d’artistes, Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence
2008: FIAC Paris
2008: Life souvenir, Des Moines Art Center, Iowa, USA
2009: San Francisco Art Institute, Californie, USA



Yan Pei-Ming
"Les Funérailles de Monna Lisa"
Salon Denon, Musée du Louvre, Paris
du 12 février au 18 mai 2009
Tous les jours de 9h à 18h, sauf le mardi.
Nocturnes, mercredi et vendredi jusqu’à 22h.

Palagret
art contemporain au Louvre
février 2009


 

 

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