6 mai 2009 3 06 /05 /mai /2009 19:26


     "Nous remercions le coeur sacré car il nous a donné l'opportunité de nous connaître et de trouver le bonheur en couple." Carlos et Felipe

    Sous le pinceau d'Alfredo Vilchis Roque, malchanceux et chanceux, amoureux, adultères, femmes battues, ivrognes, paysans frappés par la foudre, tous remercient Dieu, Saint Jude, Saint Juan Diego et surtout la Vierge de Guadalupe, protectrice du Mexique.


Carlos et Felipe et les flammes de l'enfer
Ex-voto, Alfredo Vilchis
Roque

     Chroniqueur des bonheurs et des malheurs des petites gens, Alfredo Vilchis Roque est un peintre d'ex-voto d'aujourd'hui, un écrivain public des désastres et des miracles quotidiens.

    « Avec cet amour interdit j'ai ressenti ce que j'avais toujours désiré. Je sais que c'est un péché mais personne ne me l'enlèvera et je ne me repentirai pas car jamais je ne l'oublierai. Paloma »

"Je ne me repentirai pas car jamais je ne l'oublierai." Mexico 2006"
ex-voto, Alfredo Vilchis Roque


   Les mexicains racontent au peintre leurs malheurs et l'issue heureuse que la Vierge ou un saint leur a accordé. Tous ces gens menacés d'un terrible destin ne pouvaient être sauvés que par une intercession divine. Alors ils ont prié et ils ont été exaucés. En remerciement, ils ont commandé un ex-voto pour le placer à l'église à côté de leur protecteur.


Sauvé de la noyade par la Vierge de Guadalupe
ex-voto, Alfredo Vilchis Roque

 
    Des petites scènes naïves décrivent les prodiges et les miracles qui illuminent la vie de ses compatriotes. Elles fixent le moment merveilleux ou le monde profane et le monde divin se rencontrent.  Le miraculé tend les bras vers son sauveur. En dessous, un texte souvent dicté par le client raconte l'histoire, petit fait divers banal ou tragédie.

" Je réparai mon silo quand l'échelle s'est cassée. En tombant, j'ai imploré la Très Sainte Vierge de Guadalupe et me suis rendu compte que j'avais atterri sur mon cochon qui m'a sauvé d'une chute mortelle. C'est pourquoi, je la remercie de nous avoir sauvés, mon petit cochon et moi, en ce moment béni."  Macario Torres 1948"




La marranita (le petit cochon)
ex-voto, Alfredo Vilchis Roque

   "Mon travail c’est de faire le lien entre, ça a l’air d’un mensonge, entre le terrestre et le divin… et c’est quelque chose qui me comble de satisfaction. Aider les gens, coopérer en quelque sorte en apportant mon petit grain de sable, leur donner la satisfaction de rendre grâce, de rendre la faveur reçue. Pour moi, c’est ça un ex-voto. Avant, on parlait beaucoup de la terre, des champs, de l’abus de pouvoir, des caciques, on parlait de tout ça dans les ex-voto, des maladies, des épidémies… et aujourd’hui dans l’actualité, des agressions, des vols, des assassinats, des amours clandestines…"  déclarait Alfredo Vilchis Roque dans Metropolis sur Arte en décembre 2004.

 
   Le peintre réalise ses retables à la peinture à l'huile sur des plaques de métal (lamina). Le style est traditionnel avec des traits simplifiés et des couleurs vives. Les scénettes sont pleines de détails charmants: le chapeau suspendu de l'homme qui tombe, le noyé retenu par les cheveux, l'ivrogne tenant d'une main une rose et de l'autre la bouteille à laquelle il renonce, le paysan mordu par son cochon, le trapéziste tombant dans le vide, "el inferno" l'enseigne de la cantina  etc....

    Si les thèmes abordés sont contemporains, ils ne sont pas vraiment en accord avec les enseignements de l'Eglise:

- Une prostituée remercie de ne pas avoir le sida:
" Je remercie la Vierge de Guadalupe car mes analyses de SIDA sont négatives. Je peux continuer à travailler comme prostituée pour payer la chirurgie de la colonne vertébrale de mon mari et entretenir ma famille. Que puis-je faire d'autre, tel est mon destin;. Magdelena Rubio."


La guera de la esquina (la guerre du coin)
ex-voto, Alfredo Vilchis Roque


- Un adolescent remercie Saint Juan Diego pour le préservatif:
" C'est ma première fois que je n'oublierai jamais, à l'âge de 17 ans, j'ai appris à utiliser des préservatifs pour me protéger d'une infection et passer un bon moment avec une prostituée. Quand je l'ai vue si belle je n'ai pas résister à l'envie de l'emmener à l'hôtel. C'est arrivé à Sulivan, Mexico, vendredi 16 août 2002."

- Un vieil homme remercie le Viagra ( et non un saint).

- Xavier et Tony, un couple d'hommes, remercient Saint Sébastien:
Nous sommes reconnaissants à Saint Sébastien de la chance de nous avoir unis comme un couple marié, se confrontant à la société sans censure à notre amour et sans devoir nous cacher. C'est grâce à la loi des sociétés qui nous donne droit à la liberté en tant qu'êtres humains qui s'aiment. 15 mars 2007.

Xavier et Tony
ex-voto, Alfredo Vilchis Roque


     La société  mexicaine est encore très catholique, est-il possible que des ex-voto remerciant la Vierge ou les saints pour des amours coupables, selon le dogme, soient acceptés dans l'église par le prêtre de la paroisse?


      Parfois le texte fait mention de l'artiste et le remercie « d'avoir peint tel que cela lui a été raconté ». Les retables commandés pour un miracle précis devraient se trouver dans une église ou sur un autel domestique. Vilchis les peint-il en double? Certains retables sont peut-être fictionnels, d'autres sont peints d'après des faits divers trouvés dans les journaux. Les petits tableaux sont alors vendus au marché.
 
    Alfredo Vilchis Roque est un artisan travaillant sur commande et un peintre contemporain puisant son inspiration dans la tradition. Il est né à Mexico, son père était un paysan devenu ouvrier d'usine. Il a exercé de nombreux petits métiers avant de peindre des miniatures et de les vendre à ses voisins, aux touristes. Un jour, il trouva un ex-voto qui le fit souvenir des ex-voto du sanctuaire de la Guadalupe. S'en inspirant, il peignit alors un retable pour une famille ayant échappé à la mort dans un accident de voiture à Mexico. 

Autodidacte, il a étudié les oeuvres de deux peintres mexicains Frida Khalo et Diego Rivera.

 
Ex-voto Contemporains du Mexique
Galerie Frédéric Moisan
72 rue Mazarine, Paris VI
Du 3 au 29 mars 2009
Festival de l'Imaginaire



Palagret
archéologie du quotidien
mai 2009



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