16 mai 2009 6 16 /05 /mai /2009 23:06

    En 1910 une toile abstraite « Coucher de soleil sur l'Adriatique » fit grand scandale au Salon des Indépendants lorsqu'on apprit qu'elle était l'oeuvre d'Aliboron, un âne. Tous ceux qui s'étaient enthousiasmés pour le tableau se sentir bien bêtes et les opposants à l'art « moderne » triomphèrent. 

« Coucher de soleil sur l'Adriatique », toile peinte par un âne
Le miracle familier, Boussiron et  Labelle-Rojoux


    Boussiron et Labelle-Rojoux reprennent ce célèbre canular dans leur installation  « Le miracle familier ».  L'âne assis contemple le chef d'oeuvre, qu'il a réalisé avec un pinceau attaché à sa queue. Devant lui, une scène de théâtre ou se joue une pièce sans acteur. Un mannequin est entouré de tout un bric-à-brac de tableaux figuratifs et abstraits, de sculptures, d'objets. Sur le devant de la scène trône la  photo d'Antonin Artaud dont la voie résonne.


Le miracle familier, Boussiron et Labelle-Rojoux


    « Or, je le répète, le Bardo c'est la mort, et la mort n'est qu'un état de magie noire qui n'existait pas il n'y a pas si longtemps. » 1

    Quand Artaud parle de Bardo, il se réfère au Bardo Thodol, le Livre des Morts Thibétain et non à un bardot, un animal né du croisement d'un cheval et d'une ânesse. Ironique décalage.





    "Les asiles d’aliénés sont des réceptacles de magie noire, conscients et prémédités. Et ce n’est pas seulement que les médecins favorisent la magie par leur thérapeutique qu’ils raffinent, c’est qu’ils en font. S’il n’y avait pas de médecins, il n’y aurait pas de malades, car c’est par les médecins, et non par les malades, que la société a commencé. Ceux qui vivent, vivent des morts, et il faut aussi que la mort vive... Il n’y a rien comme un asile d’aliénés pour couver doucement la mort, et tenir en couveuse les morts." 1


Le miracle familier, Boussiron et Labelle-Rojoux


     Ce texte qui parle de douleur et de folie est dit par un Antonin Artaud halluciné. La mise en scène de Boussiron et Labelle-Rojoux désacralise le théâtre, la peinture mais aussi Artaud dont les élucubrations semblent aussi grotesques et dérisoires qu'un tableau peint par une âne. La tragédie que vécut Artaud est ainsi réduite à un aimable canular pour amuser la galerie.


Le miracle familier, Boussiron et  Labelle-Rojoux


    Artaud n'est qu'un des éléments de la scénographie de Boussiron et  Labelle-Rojoux qui change de temps en temps.



La scène de théâtre
Le miracle familier, Boussiron et  Labelle-Rojoux



     La sculpture de l'âne est l'oeuvre de Daniel Mestanza. A la Force de l'Art 2, beaucoup de plasticiens travaillent en équipe.


Autres notes sur la Force de l'Art 2009:
Fabrice Hyber, l'homme arcimboldesque, La Force de l'Art 2
Daniel Buren le vitrail, La Force de l'Art 2


La Force de l'Art 2
Du 24 avril au 1er juin 2009
Tous les jours sauf mardi.
Lundi et mercredi 10-19h   Jeudi à dimanche 10-23h
4 et 6€. Gratuit le 16 mai lors de la Nuit des musées.
Grand Palais, Paris




Dossier de presse:
« Il y a plusieurs hypothèses, mais aucune, bien évidemment, n’est satisfaisante : pas plus l’évocation d’une petite scène de théâtre rustique attendant ses acteurs que l’improbable scénographie d’oeuvres (principalement issues des collections du département du Fonds national d’art contemporain français) envisagée comme une critique des accrochages muséaux ou de leur contemplation intimidée.
Non, il s’agit de tout autre chose, ou disons que Le miracle familier, pièce au statut instable, que Xavier Boussiron et Arnaud Labelle-Rojoux proposent à La Force de l’Art 02, s’inscrit hors des logiques de l’analyse formelle. Nous sommes en présence d’un manifeste, ou plutôt d’une de ses variations proposées depuis 2005 par leurs auteurs, le Manifeste de « la Passion Triste ».
Tout a commencé par une chanson, Mister Pégase. La chanson parlait du Pétomane. Spinoza était en coulisse. Suivirent deux épisodes quasi-simultanés : Les Choses à leur place, une première présentation scénique d’oeuvres aux affinités apparemment contre-nature, et Les Géants de l’Angoisse une soirée de « music-hall» branquignolesque au « Centre Culturel et Récréatif espagnol » de Bayonne. Puis un livre gratuit, Le Coeur du Mystère, pot-pourri d’images et de textes à l’hermétisme impénétrable agissant comme autant de stimulants psychiques.
Les éléments appareillés par Le miracle familier, apparaissent cette fois encore comme des antidotes nécessaires aux certitudes et aux calibrages esthétiques : oeuvres singulières audacieusement panachées d’un côté, l’infréquentable Boronali de l’autre, l’âne peintre tenant son unique chef d’oeuvre — mais quel chef d’oeuvre ! — Coucher de soleil sur l’Adriatique, spectateur perplexe de leur authentique présence renouvelée. »




1- Aliénation et magie noire, in Artaud le Momo
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