26 août 2006 6 26 /08 /août /2006 20:08


   LE BUCHER DES TOTEMS



bartoli--portrait.jpgClaude-Henri Bartoli


    L'été de 1989, dans Vèbre, un ruisseau bétonné pour canaliser les violentes pluies de printemps et d'automne des monts d'Orb, Claude-Henri Bartoli met aux enchères ses Totems. Son ami le Professeur Pierre-Epaminondas Boncam lui parle d'un rituel d'Océanie qu'il a découvert dans un récit de voyage, écrit par Francisco Nobre da Costa, navigateur dans le Pacifique.


Exposition des Totems de Claude-Henri Bartoli avant la vente aux enchères



    Au dix-septième siècle, le navigateur raconte que dans un île de l'archipel de Nova-Esperanza la tribu des Malakura ont une étrange coutume: au solstice d'hiver, les hommes alignent de nouvelles idoles de paille et de boue face à la mer. Pendant trois jours ils leur apportent des offrandes pour s'assurer des bonnes grâces des dieux et de la bonne marche du monde. A la fin des cérémonies, l'idole qui a reçu le moins d'offrandes est abattue. Si l'idole n'attire pas les villageois, elle est mauvaise, elle doit être détruite. Les hommes construisent alors un grand bûcher, ils y plaçent l'idole déchue. A la tombée de la nuit, devant tout le village réuni, le mannequin est brûlé. La destruction de l'idole donne lieu à de plus grandes festivités que sa présentation. Les jeunes hommes marchent sur les braises et au matin, les femmes recueillent les cendres qu'elles dispersent dans l'océan.

 

    S'inspirant des coutumes décrites par le Professeur, Claude-Henri Bartoli décide que les totems qui n'auront pas reçu d'offre (ou d'offrandes) seront détruits par le feu.


                                      

Trois Totems de Claude Bartoli avant la vente aux enchères


    Un totem de Claude-Henri Bartoli sauvé du feu

     Après une heure d'enchères, trois totems n'ont pas eu la faveur du public. Suivant l'exemple des Malakura de Nova-Esperanza, Claude-Henri Bartoli met le feu aux totems dédaignés, clouant le bec à ceux qui doutaient de sa détermination à détruire ses propres oeuvres.



Le totem de claude-Henri Bartoli est détruit par le feu


   Les totems sont faits de matériaux pauvres: contre-plaqué, bois, bambou, plâtre et paille. Ils s'enflamment facilement. L'assistance, à la fois joyeuse, perplexe et un peu inquiète, observe silencieusement les flammes. La destruction par le feu renvoie à des autodafés moins joyeux. Est-ce un nouveau bûcher des vanités où l'artiste lui-même se punit ou un pied-de-nez à la société de consommation? Quelques photographes fixent cet instant magique. Pitoyable effort pour enrayer le temps. Les oeuvres sont éphémères. Un adolescent remue du pied des morceaux carbonisés puis il ramasse des cendres encore tièdes. Quand les dernières flammes s'éteignent, les acquéreurs emportent les encombrants Totems, satisfaits de les avoir sauvés du bûcher. La nuit tombe sur Vébre.



Le totem de Claude-Henri Bartoli brûle


 

 

   Quelques jours plus tard, Jane et Sylvestre de Pailhac installent leurs deux totems dans la propriété d'Aristide Sauveterre.

 

 



  Totem005.jpg

deux totems de Claude-Henri Bartoli sauvés du bûcher

    Totem006.jpg

 

 

                      

 
   Jane et Sylvestre de Pailhac posent les totems aux quatre points cardinaux avant de choisir leur place définitive, face à l'ouest. Les deux totems arrachés aux flammes resteront là, exposés à la pluie, au vent et au soleil. Cette cérémonie païenne à mi-chemin entre les rogations catholiques et les rituels océaniens  se termine par des libations!



   undefinedLes deux totems de Claude-Henri Bartoli sont orientés face au soleil



     En 1987, George Willie, un sculpteur écossais, brûla lui aussi son oeuvre. Il avait construit "straw locomotive", une locomotive grandeur nature en paille. Elle fut suspendue à une grue aux docks de Finnieston pendant le Glasgow Garden Festival. L'oeuvre fut ensuite livrée au bûcher  lors d'une cérémonie rappelant les rites vikings, pour protester contre la situation économique des docks. Les flammes dissipées, la cadre métallique apparut, laissant voir un point d'interrogation. C'était une oeuvre fragile et éphémère.




Liens sur ce blog:


  Les idoles de Nova-Esperanza

 

Les statues éphémères de Saraswati en Inde

 

Cabinet de curiosités d'Aristide Sauveterre: les petits canards en bois du Capitaine Cook




http://www.ambafrance-ma.org/archives/espacult/expo/bartoli/gal-bar1.htm

http://www.mdpublicite.com/bartoli.htm#

http://www.art-insolite.com/pageinsolites/insobartoli.htm






 

 

 

Texte et photos de Catherine-Alice Palagret

 

art contemporain et conservation

 

Août 2006

 


 


Partager cet article
Repost0

commentaires