Du haut des murs de l'église Sainte-Trinité, les gargouilles éloignent le mal et recrachent l'eau de pluie qui ne doivent pas souiller le sanctuaire. Elles ont un rôle symbolique et fonctionnel. Les pierres saillantes, sculptées en forme d'animaux, de monstres, de chimères et parfois d'hommes, sont disposées sur deux niveaux, absides et nef, sur les côtés de l'église, érigée du XIII au XVIè siècle.
Gargouille tête de lion, Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Comme la dentelle de pierre Renaissance à l'extérieure, les nombreuses gargouilles de l'église Sainte-Trinité sont en très mauvais état. La pierre est rongée par l'humidité et couverte de lichen, de mousse ou d'herbes folles. Les détails des sculptures s'estompent et il est parfois difficile d'identifier les figures qui se voulaient effrayantes.
Personnage hurlant, gargouille, Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Les visages grimaçants des gargouilles incarnent le mal, la laideur physique étant au moyen-âge synonyme de laideur morale. La symbolique précise de ces personnages est souvent perdue aujourd'hui. Les gargouilles peuvent aussi n'être que décoratives; les sculpteurs d'images du moyen-âge s'inspiraient des bestiaires, des manuscrits enluminés que possédaient les lettrés. La représentation des animaux y est assez fantaisiste. Les licornes, centaures, basilics, phoenix et dragons, créatures mythiques, côtoient des animaux exotiques comme le lion, l'hippopotame et le rhinocéros, tous aussi étranges.
Gargouille en forme de griffon (?) couvert d'écailles
surmontée d'une deuxième gargouille plus simple au niveau supérieur
Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Les sculpteurs du moyen-âge avaient plus de liberté pour représenter les gargouilles et les petits personnages grotesques que pour les images du christ, de la vierge et des saints qui étaient très codifiées. La représentation des gargouilles autorisait la fantaisie et les motifs sont très variés: pattes d'oiseau, ailes, griffes. Le plumage, le pelage ou les écailles sont parfois stylisés. Le corps étroit est allongé et incliné vers le sol pour permettre l'écoulement de l'eau par une bouche grande ouverte.
Gargouille stylisée, Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Certaines gargouilles de l'église Sainte-Trinité portent encore des traces de peinture car pour paraître encore plus effrayantes les sculptures étaient peintes de plusieurs couleurs. Très lourdes et solidement ancrées dans le mur, les gargouilles débordent largement des façades faisant tomber la pluie sur les passants. On ne sait si l'eau reçue alors est bénéfique ou maléfique.
Gargouilles tête de lion et corps d'oiseau, Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Les gargouilles existent depuis l'antiquité mais elle se multiplient à partir du XIIIè siècle sur les églises et les cathédrales gothiques. La légende de Saint-Romain, archevêque de Rouen, est le récit fabuleux de l'apparition des gargouilles. En l'an 520, le dragon Gargouille terrifiait la ville de Rouen. Il dévorait les passants, avalait les barques sur la Seine et brûlait tout selon son caprice. Surtout il crachait des torrents d'eau qui inondaient la ville. Romain promit de vaincre le monstre si les habitants de Rouen se convertissaient au christianisme et construisait une église pour célébrer leur seul et unique nouveau dieu.
Gargouilles gothiques à l'extérieur du déambulatoire, église Sainte-Trinité à Falaise
Romain, suivi de deux hommes, s'approcha de la grotte où se cachait le monstrueux serpent. Il dressa aussitôt sa tête maléfique couverte d'écailles. Romain fit le signe de croix de ses deux bras levés et la bête monstrueuse s'écroula aussitôt, terrassée par la puissance de Dieu; le torrent d'eau qui s'apprêtait à sortir de sa gueule se transforma en un ruisselet.
Deux gargouilles chimères à l'angle du toit de la chapelle absidale du XVIè siècle
Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Romain passa son étole autour du cou du monstre vaincu et le ramena ainsi en laisse à Rouen. Gargouille fut brûlée par la foule qu'elle avait si longtemps terrorisé. Miraculeusement la tête et le cou du dragon ne furent pas réduits en cendres mais furent pétrifiés. On exposa les restes de Gargouille sur les remparts de la ville. Ce furent les premières gargouilles, canaux de pierre servant à éloigner la pluie des murs des églises et des châteaux. Ce récit mythique servait à glorifier la puissance de l'Eglise au début de la chritianisation de la Normandie.
Gargouille au pelage, Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Près du portique renaissance de Sainte-Trinité on remarque une double gargouille. Deux hommes tiennent leur bouche ouverte dans un cri figé, plus un masque d'effroi qu'une grimace. Ils portent une longue robe, des prêtres peut-être.
Double gargouille à tête humaine, église Sainte-Trinité à Falaise
L'éthymologie du mot gargouille viendrait du latin "gurgulio" qui signifie "tranchée" et imite le bruit de l'eau qui s'écoule. Seules les sculptures dont l'eau s'écoule sont des gargouilles. Les autres figures grimaçantes sont des chimères. Ainsi le célèbre stryge de Notre-Dame, monstre pensif contemplant la ville, n'est pas une gargouille.
Gargouille mammifère aux oreilles pointues, protégée par une plaque de métal
Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Gargouille au corps d'oiseau, trace de peinture rouge
Eglise Sainte-Trinité à Falaise
Le toit de l'église Sainte-Trinité brûla pendant la guerre. Les vitraux éclatèrent. Le décor extérieur fut touché. La restauration a commencé en 1950 mais ne va pas très vite vu l'état des gargouilles.
Statue de Guillaume le Conquérant devant l'église Sainte-Trinité à Falaise
Vue sur le porche triangulaire gothique du XV siècle
Lien sur ce blog:
Street-art: les chimères d'Ender sur les murs de Paris
Palagret
église gothique
juillet 2013
Sources: