au milieu des maîtres italiens du Salon carré, Louvre
Propos de Pierre Soulages:
"J’ai choisi le Salon Carré parce qu’il réunit des tableaux représentant un grand moment dans l’évolution de la peinture occidentale : il y a encore quelque chose de Byzance, et c’est déjà l’espace tridimensionnel. C’est un moment de l’histoire des rapports que la peinture a avec l’espace, ce qui est pour moi important.
Peinture de Pierre Soulages
à côté de "La bataille de San Romano" de Paolo Ucello.
L’endroit de mon tableau sur le mur, c’est d’abord parce que je cherchais une place face aux fenêtres pour la peinture que j’ai choisi d’exposer, qui réunit deux lumières différentes sur une même toile : elle est divisée en deux parties, l’une utilisant la lumière venant du contraste noir/blanc et l’autre la lumière venant de sa réflexion par le noir, ce que j’appelle l’outrenoir. Il se trouve que c’est à côté d’un tableau que je trouve admirable, que j’ai toujours aimé, La bataille de San Romano de Paolo Ucello.
"La bataille de San Romano" de Paolo Ucello, vers 1456, détail
J’ai accepté cette proximité parce que je pense qu’il n’y a pas de confrontation possible entre cette toile et la mienne, qui sont deux choses fondamentalement différentes. Ce sont deux œuvres tellement éloignées qu’elles ne se rencontrent pas. On pourrait dire en plaisantant qu’elles ne dialoguent pas parce que l’une est sourde (celle d’Ucello) et l’autre muette (la mienne)...
Peinture outrenoire de Pierre Soulages, détail
Avec "La bataille de San Romano" on a une peinture qui renvoie à autre chose que ce qu’elle est : un événement particulier, d’une manière d’ailleurs qui n’est pas réaliste avec ce ciel noir, ce temps d’arrêt dans la bataille. Tandis que ma peinture ne renvoie qu’à elle-même : ce qui se passe a lieu entre le regardeur et la toile, sans intervention d’une réalité extérieure. D’où l’étanchéité entre les deux tableaux.
"la Vierge et l'enfant en majesté entourés de six anges" dite Maesta de Cimabue, vers 1280
Dans le Salon Carré il y a aussi la Maesta de Cimabue, que je place dans mon cœur encore au-dessus de la toile d’Ucello. J’y suis resté très attaché, depuis toujours. Et je me suis aperçu récemment que je n’avais pas vu autrefois les fonds d’or de Cimabue comme je les regarde maintenant, après mon expérience de la peinture outrenoire. Dans l’outrenoir, c’est la lumière réfléchie par le noir qui crée un espace devant la toile, et cela d’une manière très concrète, très réelle.
Auréoles d'or
"la Vierge et l'enfant en majesté entourés de six anges" dite La Maesta de Cimabue
Dans la Maesta l’or joue un peu le même rôle, c’est de la lumière qui vient de la toile vers celui qui la regarde mais, bien entendu, l’espace byzantin n’a rien à voir avec celui de ma peinture. Donc, on ne peut pas parler de parallélisme là non plus 1.
Peinture outrenoire de Pierre Soulages, détail
J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité. Son puissant pouvoir de contraste donne une présence intense à toutes les couleurs lorsqu’il illumine les plus obscures, il leur confère une grandeur sombre. Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre."
Peinture outrenoire de Pierre Soulages
Les tableaux de Pierre Soulages sont tout sauf d'un noir monochrome. Avec leur texture, leurs stries et leurs reliefs qui capturent la lumière et les reflets, ils sont très difficiles à photographier. Ces clichés de mauvaise qualité donnent cependant une idée de ce qu'était l'exposition du Louvre.
Une peinture de Pierre Soulages dans le Salon Carré
Pour faire écho à la rétrospective Pierre Soulages du Centre Pompidou (14 octobre 2009 - 8 mars 2010), le musée du Louvre accueille jusqu'au 18 janvier 2010 une peinture de l’artiste dans le Salon Carré, aile Denon, à côté de La Bataille de San Romano de Paolo Uccello.
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Photos Palagret
art contemporain au Louvre
mars 2010
1- in dossier de presse