Takashi Murakami confrontera bientôt son imagerie mignonne (kawaï) aux dorures du château de Versailles. Fleurs souriantes aux couleurs acidulées, personnages de dessins animés et multiples champignons déclinés en peinture, papier peint, sculpture ou énorme ballon en plastique, la thématique de Murakami est à première vue joyeuse, puérile et colorée.
Flower Matango de Takashi Murakami
photo wallyg
En y regardant de plus près, on s'aperçoit que les jolies petites marguerites ont des dents acérées et que les champignons, dans un pays qui a subi la bombe atomique d'Hiroshima, ne sont pas si innocents. La saturation de l'espace de la toile, la répétition du même motif peint si méticuleusement par des assistants aux gants blancs, les yeux écarquillés des petits personnages, leur sourire vide, créent un effet presque hallucinatoire, ce rêve enfantin de gentillesse et de douceur n'est pas loin du cauchemar.
Dob de Takashi Murakami
photo kumusawa
Sa technique dite « Superflat », super plat, compresse, aplatit, des éléments de la peinture traditionnelle japonaise et des motifs de la culture pop et de la sous-culture des mangas. Superflat, le terme choisit par Murakami lui-même, se réfère autant au dessin et à l'animation japonaise en deux dimensions qu'à la superficialité, à la futilité et au vide de la culture populaire du Japon.
auto-portrait de Takashi Murakami
« Je n'ai ni femme ni enfant. Je me consacre totalement au travail et ça me suffit complètement. En fait, je ne peux même imaginer avoir une famille. Je veux continuer à créer mais j'ai peur: combien de temps pourrais-je continuer? J'ai survécu 10 ans mais je ne suis pas sûr de pouvoir continuer dix ans de plus.
“Ma génération, c'est la génération des geek et beaucoup sont morts avant l'âge de cinquante ans à cause de l'alcool ou du surmenage. Je me sens vieux. Mon inspiration se rétrécit, ma concentration n'est pas bonne. Je suis fatigué.” déclarait Murakami lors de son exposition d'auto-portraits à la Galerie Perrotin en octobre 2009.1
Kiki de Takashi Murakami
Fatigué ou pas, Takashi Murakami présentera à Versailles quelques pièces inédites et d'autres déjà connues. On y verra des sculptures, des peintures, une vidéo et une moquette. "Mister Pointy" sera dans le Salon d'Hercule, Oval Budha en argent dans le Salon de l'Abondance, "Flower Matango" dans la galerie des Glaces. A l'extérieur, sur la terrasse, Oval Budha en bronze doré fera face au soleil couchant.
Oval Boudha de Takashi Murakami
Comme Jeff Koons, Takashi Murakami est très honoré d'exposer à Versailles, un Versailles que les japonais connaissent bien grâce au manga célèbre « La Rose de Versailles ». Les défenseurs auto-proclamés du château de Versailles et de la culture française s'agitent déjà pour faire interdire l'exposition des oeuvres de Murakami. Mr DOB face au Roi-Soleil? Pourquoi Pas. On est maintenant habitué à la présence de l'art contemporain dans un cadre classique.
Roi de la néo-pop japonaise, Takashi Murakami créera-t-il à Versailles le même bruit que l'américain Jeff Koons? Le lonesome cow-boy au pénis démesuré ne remplacera-pas la Panthère rose enlaçant une sirène dans le salon de la Paix; le spectacle sera familial, pas de pornographie!
Mister Pointy de Takashi Murakami
Comme Warhol, Jeff Koons ou Damian Hirst, Takashi Murakami est une super-star du monde de l'art et des salles des ventes. Comme eux, il a un atelier, Kaikaï Kiki avec une équipe d'assistants, et maîtrise parfaitement le marketing. Il produit de nombreux produits dérivés, jouets, gadgets et même sac Vuitton. Il n'a pas encore décoré une BMW comme Jeff Koons. Comme ces rois du pop et du néo-pop, le plasticien japonais a toute sa place dans la catégorie Art Rigolo.
Murakami à Versailles
Du 14 septembre au 12 décembre 2010
Château de Versailles
Liens sur ce blog:
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Versailles, le bassin d'Encelade, violence et démesure baroque
Murakami à l'étal des marchés, esthétique kawaï et superflat
Diaporama de l'exposition Murakami du Brooklyn Museum en avril 2008
Palagret
Art contemporain
juin 2010
Source: KYODO news
1- in Timesonline