Puisqu'il semble que nous ne verrons pas les anges déchus des Kabakov sous la verrière du Grand Palais pour Monumenta 2013, consolons nous avec d'autres créatures ailées plus triomphantes. Ces figures aux ailes déployées sont des allégories de la Victoire disséminées dans la ville. Depuis l'antiquité, la victoire est représentée comme une femme aux ailes déployées. Niké se tenant sur la main d'Athéna et la victoire de Samothrace en sont les exemples les plus connus.
Niké, la victoire grecque posée sur la main d'Athéna, Pont Alexandre III, Paris
De nos jours, une Victoire tout en or brille sur le toit du Petit Palais. Se tenant sur un pied, coiffée d'une couronne de laurier, elle tend une autre couronne à un vainqueur qu'on ne voit pas. Les victoires sont souvent nues avec une envolée de tissu couvrant juste le sexe.
Victoire dorée sur le toit du Petit Palais à Paris
D'autres victoires plus pudiques sont vêtues d'un drapé à l'antique. Devant le château de Versailles, abandonnant l'attitude dynamique traditionnelle, une victoire est assise sur un guerrier vaincu, son casque et son carquois à terre. La femme ailée tient la traditionnelle couronne de laurier.
Victoire assise sur un guerrier vaincu, sculpture à Versailles
Près de l'arc du Carrousel, une victoire est assise, méditative. Soit elle attend le prochain triomphe, soit elle a déjà remis toutes ses récompenses aux valeureux guerriers et se repose, fatiguée.
Victoire assise, statue d'Antoine-François Gérard, Jardin du Carrousel à Paris
Au parc Montsouris, une victoire armée est haut perchée. La "Colonne de la Paix armée" de Jules Coutan date de 1887, une époque entre deux guerres. Casquée, la victoire s'appuie sur une épée dans un fourreau, signifiant par là que "Qui veut la paix prépare la guerre".
Colonne de la Paix armée" de Jules Coutan, Parc Montsouris
Sur les monuments aux morts, les Victoires sont moins triomphantes. Même si la guerre a finalement été gagnée, il y a de nombreuses victimes à honorer. Le monument aux morts du Jardin des Poètes à Béziers est une grande composition patriotique. Entourée de soldats et de deux pleureuses, la Victoire ne brandit plus la couronne de laurier. La couronne repose sur sa cuisse. La victoire appuie son visage sur son bras levé, pleurant les millions de morts de la guerre de 14-18. Une de ses ailes est dressée vers le ciel mais la deuxième s'incline piteusement vers le sol.
Monument aux morts de Jean-Antoine Injalbert (1925) Béziers
Groupe de pierre et Victoire en bronze
Surmontant le monument aux morts d'Arles, une femme drapée est elle aussi meurtrie; elle tient au-dessus de sa tête ce qui ressemble à une aile arrachée. Il s'agit en fait de la palme des martyrs.
Allégorie mélancolique sur le monument aux morts d'Arles
A côté des amours, anges et Victoires, la statuaire classique représente d'autres créatures ailées. Côté Concorde, à la grille des Tuileries, La Renommée accueille les visiteurs du haut d'un pilier. Chevauchant Pégase le cheval ailé, une jeune femme au sein dénudé souffle dans une trompette pour proclamer la grandeur d'un héros. Sous le cheval, une accumulation de bouclier, peau de lion de Némée, casque, étendards, souligne le caractère guerrier de la Renommée: elle annonce les triomphes de Louis XIV.
Techniquement les trophées d'armes équilibrent la statue et permettent l'envolée du cheval aux pattes relevées.
La Renommée chevauchant Pégase, 1702, Antoine Coysevox
Jardin des Tuileries
Place de la Concorde, la Renommée chevauchant Pégase, sculpture de Coysevox est une copie. L'original se trouve au Louvre dans la cour Marly.
Il y a beaucoup de Renommées, avec ou sans ailes, et de Victoires à Versailles. Le plafond de la Grande Galerie en est particulièrement riche.
Bas relief de Louis XIV terrassant ses ennemis, bas-relief de Coysevox
Deux Renommées dorées soufflant dans une trompette
Salon de la Guerre, château de Versailles
Dans la mythologie grecque, La Renommée est la fille de Gaïa. Elle a cent bouches et cent yeux qui lui permettent de connaître les secrets des mortels. Elle proclame donc la gloire et la honte. Chez les romains, la Renommée est une jeune femme soufflant dans une trompette. La sculpture classique reprend cette iconographie. La représentation des ailes est codée. On retrouve les mêmes motifs chez les anges.
Liens sur ce blog:
L'exposition Monumenta 2013 des Kabarov annulée ou réduite: vers un Minimenta?
Palagret
statuaire
novembre 2012