Les démolisseurs rasent les immeubles vétustes, les gravats sont emportés vers de lointaines décharges. De grandes bâches plastiques maintenues par des planches recouvrent les murs mis à nus qui gardent la trace des anciens occupants. Palimpsestes éphémères. Une palissade entoure le terrain aplani où l'herbe pousse. Les tagueurs s'introduisent dans le périmètre interdit pour taguer et peindre les nouvelles surfaces mises à nu. Profitant de ces grands espaces vierges, bien visibles du boulevard et du métro aérien, entre la station Colonel Fabien et La Chapelle, Zoo Project nous a laissé plusieurs oeuvres.
L'homme-bélier sur un mur du boulevard de La Chapelle, street-art de Zoo Project
Reconnaissables à leur corps lourds mi-homme mi-bêtes, formes blanches cernées de noir, les personnages de Zoo Project se repèrent de loin. Boulevard de la Chapelle, un bélier au corps d'homme se recroqueville sur le mur dégagé par la démolition. S'agit-il d'un satyre échappé des bois, transis de froid, effrayé par la jungle urbaine? Son bras droit a disparu, il ne reste que l'extrémité de l'os. Sévices ou auto-mutilation? Cette pauvre chimère fait pitié.
Immeubles démolis et murs aveugles boulevard La Chapelle à Paris
Street-art, tags et peinture de Zoo Project
Un peu plus loin, un singe déguisé en policier new-yorkais nous observe. Cette fois-ci, le dessin est en noir. Derrière le singe on distingue de nombreux tags recouverts de plastique transparent.
Singe policier de Zoo Project
Près de la voie ferrée, deux têtes d'homme se désencastrent l'une de l'autre, comme des légos. "Arrêtons de s'espionner" nous dit Zoo Project.
"Arrêtons de s'espionner", street-art, Zoo Project
Au métro Jean Jaurès, la rotonde de Ledoux est en travaux, encore. Sur la palissade côté rue, assombrie par le viaduc, s'étale un corps (féminin?) tronçonné par les colonnes. Sous la tête, une injonction: "détache toi".
"détache toi", Corps tronçonné, street-art de Zoo Project
sur la rotonde de Ledoux à La Villette, sous le métro aérien
Après ces appels à la liberté, une phrase plus prosaïque: "Passe moi le sel" dit un homme; "2 sec" répond un autre. Vus près du métro Colonel Fabien, au-dessus d'une enseigne cassée, les deux bustes d'hommes nus se font face.
Les hommes et le sel, street-art de Zoo Project
Comme les enchaînés du cinéma Louxor, les peintures de Zoo Project sont éphémères. Elles disparaîtront avec la démolition des immeubles aux fenêtres murées et la construction des nouveaux immeubles qui les masqueront.
Dans des années, on parlera peut-être de ces peintures murales disparues comme on évoque aujourd'hui la bataille d'Anghiari, fresque perdue de Léonard de Vinci. Léonard de Vinci et les street-artists se valent-ils? Non bien sûr mais l'art de la rue n'est pas sans valeur.
L'homme-bélier, street-art de Zoo Project
Quand ces nouveaux immeubles seront rasés à leur tour ou s'effondreront de lassitude, les archéologues du futur découvriront peut-être des fresques cachées et ils y verront un témoignage précieux sur notre civilisation urbaine. Concluront-ils à l'existence d'un culte à des hommes-béliers, à des hommes-taureaux ou à des hommes cochons, comme dans la civilisation égyptienne?
Liens sur ce blog:
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Zoo Project, l'exploitation de l'homme par l'homme, street-art
Palagret
Mai 2010