archéologie du futur / archéologie du quotidien

   Le premier avril, le plasticien chinois Liu Bolin réalisait une performance pendant ArtParis. Recouvert de peintures par ses assistants, il se fondait dans le décor de l'escalier du Grand Palais. Rayé de blanc et d'ocre, il se tenait immobile pour mieux disparaître au regard des spectateurs.

Liu Bolin, tête et vêtements peints en trompe-l'oeil devant l'escalier du Grand Palais

ArtParis 11

      Filmée de côté, à cause de la foule, la video rend imparfaitement compte de la performance-disparition de Lui Bolin. Vu dans l'axe, après de longs préparatifs, Liu Bolin s'intégrait au décor. La photo réalisée par son équipe en témoignera.

LIU BOLIN, performance camouflage à ArtParis par Palagret

  Voir texte et photos de la performance parisienne.

Performance de Liu Bolin à Beijing en août 2009

Palagret

performance

avril 2011

    En entrant dans la cour des Beaux-Arts, on est ébloui par un carré de néons blancs qui se reflète sur le sol. En s'approchant, on identifie "Sound of Silence", un gros cube blanc d'Alfredo Jaar. Il faut le contourner pour découvrir un rideau noir cachant un cinéma. Sur l'écran est projeté une vidéo muette de huit minutes. Entre deux éclairs de flash apparaissent des textes, tapés à la machine à écrire, racontant la vie tourmentée de Kevin Carter, auteur d'une photo  représentant un vautour observant patiemment l'agonie d'une enfant soudanaise en train de mourir de faim. Le photojournaliste obtint le Prix Pulitzer en 1994 pour ce cliché très controversé. 

Sound of Silence, installation d'Alfredo Jaar aux Beaux-Arts de Paris

   Pour prendre la photo, Kevin Carter attendit et cadra soigneusement le charognard et la petite fille mourant de faim puis déclara-t-il " il s'assit sous un arbre, alluma une cigarette, parla à Dieu et pleura". Peu après cette photo émouvante mais voyeuriste, Kevin Carter se suicida ne pouvant supporter les horreurs de la guerre dont il avait été témoin et surtout son attitude envers la petite fille qu'il n'avait pas aidé.

Le vautour et l'enfant à l'agonie, photo de Kevin Carter, 1993

capture d'écran

     "Alfredo Jaar travaille et traque non seulement les images, mais aussi leur absence ou leur rareté. La construction de l'espace sert à mettre en contexte la photographie, alors que la théâtralisation du dispositif transforme l'installation en un lieu de réflexion sur la production des images." 1

    "Artiste, architecte et réalisateur, né en 1956 à Santiago (Chili), Alfredo Jaar crée des installations complexes qui prennent place anonymement dans la ville ou au sein des institutions muséales. Celles-ci combinent des éléments photographiques, architecturaux et théâtraux, ainsi que des dispositifs aussi divers que l'affiche, le caisson lumineux, l'installation monumentale et la salle de projection." 1

Sound of Silence, installation d'Alfredo Jaar aux Beaux-Arts de Paris

   "Procédant par accumulation de textes et d'images, l'artiste cherche à interpeller le spectateur, tout en lui laissant toujours la responsabilité de l'interprétation. Nombre de ses productions pointent ainsi les enjeux de pouvoir entre le monde occidental et industrialisé et les pays en voie de développement, les conséquences des conflits armés sur les sociétés, et le thème des relations Nord-Sud."

Sound of Silence, installation d'Alfredo Jaar aux Beaux-Arts de Paris

    "Alfredo Jaar se fait connaître internationalement lors de sa participation à la Biennale de Venise en 1986. Son travail a été présenté au sein de nombreuses expositions aux Etats-Unis et en Europe (New Museum of Contemporary Art de New York, Whitechapel de Londres, Museum of Contemporary Art de Chicago, Pergamon Museum à Berlin), ainsi que dans le cadre de plusieurs biennales comme celles de Sao Paulo, Johannesburg, Sydney, Istanbul, Kwangju ou à la Documenta de Kassel." 1

Sound of Silence, installation d'Alfredo Jaar aux Beaux-Arts de Paris

Alfredo Jaar, Sound of Silence

11 février - 12 mars 2011

Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts

Paris 75006

Liens sur ce blog:

L'igloo de Giap de Mario Merz

Photos de Palagret

Creative Commons

mars 2011

Source:

1- dossier de presse

   Avec un tampon, François Morellet apposait un quadrillage de lignes parallèles sur sa signature, rappel de son oeuvre géométrique. Il dédicaçait le catalogue de son exposition rétrospective "Réinstallation" à Beaubourg. L'artiste plaisantait avec les visiteurs à propos de Frank Stella dont une oeuvre ressemble étrangement à un de ses anciens tableaux. Il parlait beaucoup de son grand âge, d'Alzheimer et de la mort en riant, pour les conjurer.

Signature et quadrillage de François Morellet

   " J'ai produit avec beaucoup d'obstination des oeuvres systématiques dont la ligne de conduite constante a été de réduire au minimum mes décisions arbitraires. Pour limiter ma sensibilité d'"artiste", j'ai supprimé la composition, enlevé tout intérêt à l'exécution et appliqué rigoureusement des systèmes simples et évidents qui peuvent se développer soit grâce au hasard réel, soit grâce à la participation du spectateur." François Morellet 1

François Morellet dédicace le catalogue de "Réinstallations" à la librairie du forum à Beaubourg

François Morellet, réinstallations

Centre Pompidou, piazza Pompidou, Paris 3^e.

01-44-78-12-33.
2 mars - 4 juillet 2011.
Mercredi - lundi, 11 heures - 21 heures.

Géométré n° 93, 1985, Néons by accident 2003 (en rouge)

Réinstallations de François Morellet, Beaubourg

Voir article et photos de l'exposition de François Morellet à Beaubourg:

François Morellet, néons et couillonnades à Beaubourg

Les plasticiens du néon sur ce blog:

Joseph Kosuth au Louvre, néons, confusion et désorientation

Dan Flavin, néons, jeu de la lumière et de l'espace

Angela Detanico et Rafael Lain: la ceinture de feu de l'IPGP, une ligne brisée de néon rouge

Néon et art contemporain, lumière vibrante

Palagret

mars 2011

Source: 1- catalogue du Centre Pompidou

   Dans le sous-sol en friche du Palais de Tokyo, les murs délabrés servent d'écran à des extraits de films d'Amos Gitaï. Encore en tournage, Lullaby to my father est le nouveau film du réalisateur israélien, en hommage à son père chassé par les nazis.

Voir l'article sur Traces ici.

 Free zone, 2005

Traces, installation d'Amos Gitaï au Palais de Tokyo

Traces d'Amos Gitai au Palais de Tokyo par Palagret

Berlin-Jérusalem , tableau vivant expressionniste de Gitaï et Pina Bausch

Traces, installation d'Amos Gitaï dans la Friche du Palais de Tokyo

Installation

Amos Gitaï, Traces

Du 5 février 2011 au 10 avril 2011

 

 

Palagret

mars 2011

 

"Toutes ces couillonnades chics et pas chères me plaisent beaucoup. Elles sont un peu comme une fête foraine.." dit François Morellet 1.

Géométré n° 93, 1985, Néons by accident 2003 (en rouge)

Réinstallations de François Morellet, Beaubourg

     La fête foraine de François Morellet est très minimale, on est loin des Mickeys clignotants ou des manèges de Carsten Höller mais ses oeuvres ludiques et interactives séduisent le public toujours heureux de participer. Un bouton allume un ventilateur qui fait onduler "La Joconde déformée" (1964) reproduite sur un lai de tissu. Dada n'est pas loin.

   "Il n'y a pas dans mon oeuvre de vérité intouchable. Mais on peut y mettre ce qu'on veut. Marcel Duchamp, ce salaud qui a dit tant de choses avant moi, a clamé que c'était le "regardeur" qui faisait l'oeuvre.

"2 trames 45° - 135° de néons interférents", 1972

Réinstallations de François Morellet, Beaubourg

    Un autre bouton allume le mot rouge; un autre des néons rouges qui créent un effet hypnotique sur les murs et le plafond du dispositif "2 trames 45° - 135° de néons interférents", un cube avec une face ouverte. 

"Picasso défiguré" (Les Demoiselles d'Avignon) 2011

"Delacroix défiguré" (La mort  de Sardanapale) 1989

 π Weeping Neonly n° 3, 2003

   "Delacroix défiguré" avec "La mort de Sardanapale" transpose ironiquement la composition du célèbre tableau en rectangles blancs collés sur le mur. Morellet ne cherche pas tant à se confronter aux grands maîtres qu'à exploiter "un nouveau système pour justifier le plaisir ... à accrocher en pagaille des tableaux blancs sur un mur blanc" écrit-il en 1988.

"Picasso défiguré" (Les Demoiselles d'Avignon) 2011

    23 ans plus tard, Morellet réalise spécialement une autre défiguration pour l'exposition du Centre Pompidou: "Picasso défiguré. Cinq châssis, quatre en haut, un en bas représentent la disposition des corps des "Demoiselles d'Avignon" sur la toile. 

L'Avalanche, 1996, 36 tubes d'argon bleu, fils de haute-tension blancs

Réinstallation de François Morellet, Beaubourg

    "J'essaie de mettre le moins possible de moi-même dans ces oeuvres, le moins de décisions subjectives. Mon message, c'est de dire qu'il n'y a pas de message." 

   François Morellet ne délivre pas de message mais ses installations de néons géométriques sont basées sur un système mathématique. Art optico-cinétique ou conceptuel assez austère, les compositions de tubes de néon portent des titres très descriptifs comme "Néons 0°- 45°- 90° - 135° avec 4 rythmes interférents" ou "Superposition d'une surface exposable avec cette même surface basculée à 5°, 1977 - 2011. Ces titres énonciatifs ne manquent pas d'humour.

Néons by accident 2003

Réinstallations de François Morellet, Beaubourg

        L'Avalanche est une des rares oeuvres exposées portant un titre évocateur et pouvant raconter une histoire. Une avalanche de néons, ou plutôt de tubes d'argon, descend du plafond allant d'une verticale à une horizontale. C'est une image fragmentée de la chute, une déconstruction du mouvement comme une chronophotographie de Etienne-Jules Marey. L'Avalanche était à l'origine installée dans la salle du belvédère au sommet de la Zugspitze dans les Alpes de Bavière. 

   Les installations de François Morellet sont des "réinstallations"; il s'agit d'oeuvres éphémères créées dans des lieux spécifiques et détruites après exposition. A Beaubourg, des cloisons construites spécialement reproduisent les dispositifs d'origine où sont exposés les néons, les poutres, les toiles et les rubans adhésifs.

 Néons by accident 2003

Réinstallations de François Morellet, Beaubourg

   François Morellet, âgé aujourd'hui de 84 ans, s'est toujours beaucoup amusé:

    "Bref, je vais beaucoup mieux que tous mes copains morts. Je profite de mes derniers jours de lucidité, mais il ne faut pas s'obstiner, j'arrive à la limite. Je vous tiendrai au courant."

        Avec cette 455è exposition, selon ses calculs, Morellet prouve qu'il va très bien.

François Morellet, réinstallations

Centre Pompidou, piazza Pompidou, Paris 3^e.

01-44-78-12-33.
2 mars - 4 juillet 2011.
Mercredi - lundi, 11 heures - 21 heures.

Les plasticiens du néon sur ce blog:

Morellet Kawamata, c'est n'importe quoi? mer de néons à la galerie Kamel Mennour

Dan Flavin, néons, jeu de la lumière et de l'espace

Angela Detanico et Rafael Lain: la ceinture de feu de l'IPGP, une ligne brisée de néon rouge

Palagret

art contemporain

mars 2011

1- in Le Monde du 6 avril 2011

ITW de Morellet au Centre Pompidou