6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 00:30

 

    Suivant l'ours, la panthère et le lapin de Jeff Koons, verrons nous un rhinocéros rouge dans le parterre de L'Orangerie?

    Après bien des polémiques et un vrai succès public, Jeff Koons a quitté le château de  Versailles. Maintenant le parc  somnole et les statues de marbre ont mis leur manteau d'hiver. Jean-Jacques Aillagon vient d'annoncer qu'à l'automne prochain, les sculptures de Xavier Veilhan succéderont aux bibelots géants de Jeff Koons. Un nouveau scandale en perspective car le ci-devant Bourbon-Parme et autres défenseurs auto-proclamés de l'intégrité historique du château du Roi-Soleil affûtent déjà leurs armes.

Le rhinocéros, Xavier Veilhan
exposé à Beaubourg

    Alors que le plasticien américain a eu droit aux dorures Grand Siècle des appartements royaux, l'artiste français exposera surtout dans les jardins des oeuvres créées spécialement pour l'occasion.

    Xavier Veilhan est connu pour ses sculptures animalières, lisses et brillantes. Un rhinocéros grandeur nature est exposé à Beaubourg. D'un beau rouge, rutilant comme une voiture de course, il est en résine couverte de peinture polyester. Le monstre est au repos, sa carapace rugueuse est lissée, il a l'air presque inoffensif. Ce pourrait être un manège pour enfant comme on en voit dans les centres commerciaux ou les parcs d'attractions. Sa lourdeur cependant rappelle qu'il est l'un des animaux les plus dangereux de la savane africaine. Le rhinocéros, comme le lion, fait partie des big five, les cinq mammifères les plus redoutés des grands chasseurs.

Le lion, Xavier Veilhan
Bordeaux
Photo James Whisker

    Place Stalingrad à Bordeaux,
Xavier Veilhan installe un Lion bleu monumental. Figure récurrente de la statuaire animalière, les lions ornent souvent les places publiques: place Denfert-Rochereau, fontaine place Daumésnil ou fontaine devant la Villette à Paris. Le lion de Xavier Veilhan est une relecture ironique des monuments commémoratifs et des emblèmes de pouvoir. Il s'ancre dans la tradition tout en utilisant des techniques très modernes.

Le lion de Bordeaux,
Xavier Veilhan
Photo James Whisker

     Avec un scanner, l
e plasticien analyse un modèle en trois dimensions. Le fichier numérique obtenu pilote une machine qui sculpte l'objet selon la conception de l'artiste. Si le rhinocéros rouge est lisse, le lion bleu est fait de larges pans coupés qui réfléchissent la lumière. Xavier Veilhan reproduit les facettes correspondantes aux pixels de la modélisation sur ordinateur. La sculpture renvoie aux animations virtuelles en 3D des jeux vidéo au dessin anguleux imparfait.
 


Shark, le requin argenté, Xavier Veilhan
galerie Emmanuel Perrotin


    Le requin d'argent brillant est réalisé avec la même technique 3D. Sa mâchoire et ses yeux menaçants ont disparu. Même adouci, le requin blanc, comme le rhinocéros ou le lion, évoque le danger et la puissance.  Les animaux réduits à leur essence  sont des archétypes.
« Je pense que dans la statuaire, en éliminant toute tentative de portrait psychologique, et en s'en tenant à un strict relevé corporel, on atteint une représentation plus universelle. » déclare Xavier Veilhan 1.

   Le plasticien modelise aussi ses frères humains pour réaliser des statues monochromes monumentales ou réduites. Amis ou "gens de peu", on dénombre entre autres l'homme orange au téléphone, le livreur de pizza rouge sombre, la jeune fille en roller, le gisant etc ...

   Quand il ne reproduit pas les animaux et les hommes en volume à facettes miroitantes,
Xavier Veilhan imagine d'aériens mobiles à boules noires.

Le grand Mobile, à Toronto
Xavier Veilhan

Photo: Melissa Goldstein


    Quel bestiaire fabuleux, quels personnages du quotidien, quel mobile géant Xavier Veilhan installera-t-il dans les jardins de Versailles? Réponse en septembre 2009.

  
Xavier Veilhan est né à Lyon en 1963.



Liens sur ce blog:
Xavier Veilhan, le carrosse violet figé en pleine course à Versailles
Xavier Veilhan: les architectes dominent le parterre d'eau à Versailles
Jeff Koons à Versailles

  

Veilhan Versailles

13 Septembre - 13 Décembre 2009





Palagret
art contemporain

1-  Entretien avec Christine Macel en novembre 2005

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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 16:29
 
   La deuxième installation de Claudio Parmiggiani est un labyrinthe de verre brisé construit au milieu des colonnes gothiques. Ruine élégante et fragile, elle parle de violence et de destruction comme l'ombre des livres brûlés. On croit entendre l'écho des  plaques de verre volant en éclats sous les coups de soudards furieux. Les parois transparentes, verticales comme les colonnes, sont disposées en livres ouverts.



Le labyrinthe brisé et les livres brûlés
Claudio Parmiggiani au Collège des Bernardins

 
   Claudio Parmiggiani a guidé son assistant pour qu'il brise les pages de verre avec une masse. Les débris sont tombés au hasard, quelques uns ont été réarrangés.



Parmiggiani-vitres-Bernardins-8.jpgLe labyrinthe brisé, Claudio Parmiggiani au Collège des Bernardins

     Les livres qui brûlent ou les parois de verre qui volent en éclats ne sont pas un happening comme les miroirs brisés de Pistoletto. Parmiggiani donne à voir le résultat de la destruction et non la destruction elle-même.


 

Parmiggiani au Collège des Bernardins
trace de livres et verre brisé


    Il y a peu d'éclairage artificiel dans la nef des Bernardins et seule la lumière naturelle anime la composition. La tranche du verre éclaté brille avec le soleil du matin ou du crépuscule, se teintant de vert ou de bleu; le regard se perd dans le jeu des reflets variant avec les heures du jour.




Le labyrinthe brisé, Claudio Parmiggiani au Collège des Bernardins

    Les livres partis en fumée et le labyrinthe brisé forme un ensemble émouvant sous la nef rénovée. Esthétisation de la violence? Le public est partagé. Ceux qui sont venus écouter une conférence religieuse et non voir une oeuvre d'art contemporaine protestent énergiquement; ils laissent des commentaires peu amènes sur le livre d'or. Quel outrage, atterrant, écoeurant etc. Voilà à quoi sert l'argent des fidèles! Les mécontents donnent même des conseils pour recycler le verre. Le médiateur fait de son mieux pour expliquer l'oeuvre à des visiteurs scandalisés.





Protestations sur le livre d'Or de l'exposition Parmiggiani

 
        
 
   Les cloches silencieuses de Claudio Parmiggiani, troisième installation dans l'ancienne sacristie du Collège des Bernardins, sont moins perturbantes pour les fidèles rétifs à l'art contemporain.

   Les installations de Claudio Parmiggiani sont éphémères, elles disparaissent avec la fin de l'exposition.


 
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3 février 2009 2 03 /02 /février /2009 00:28

    Face aux monumentales sculptures patriotiques d'Antoine Bourdelle, les squelettes de fer rose de Gloria Friedmann semblent bien frêles. Alors que Bourdelle exalte les morts pour la France avec puissance mais aussi grandiloquence, les pantins de la plasticienne s'opposent avec ironie à tous ce pathos.



Cabaret, Prière
Gloria Friedmann au musée Bourdelle

     Bourdelle (1861-1929) modèle des corps puissants, muscles tendus dans l'effort, vivants, survivants du massacre. Gloria Friedmann fabrique des  squelettes stylisés, dérisoires tiges et plaques soudées évoquant les os, ce qui reste après la pourriture du corps. Comme une plaisanterie, la couleur rose des pantins leur enlève tout caractère morbide. Cette danse macabre nous fait sourire.



Cabaret, Prière, Gloria Friedmann
devant un fragment de l'Epopée polonaise de Bourdelle, 1929

    Gloria Friedmann présente cinq squelettiques allégoriques. Suicide (par révolver), Prière, Pendu, Le Baiser, Narcisse  et Reddition.



Cabaret, Suicide, Gloria Friedmann
     La série de squelettes est intitulé Cabaret en référence à « Adieu à Berlin » roman de l'écrivain anglais Christopher Isherwood 1, 1939, ou au film Cabaret de Bob Fosse, 1972, inspiré du roman. Cabaret se passe à Berlin dans une ville où les folles fêtes nocturnes ne sont que le prélude au désastre. La danse macabre masque le cynisme et le désespoir de tous les paumés qui cherchent à s'étourdir. L'Allemagne glisse inexorablement vers le nazisme.



Cabaret, Prière, Gloria Friedmann
pendant ironique d'une statue de Bourdelle

    Les ironiques pantins filiformes de Cabaret annoncent la catastrophe à venir; les monuments aux morts de Bourdelle (1861-1929) commémorent la tragédie déjà advenue de 1870, en grandes envolées lyriques.





Cabaret, Pendu, Gloria Friedmann
devant un fragment de l'Epopée polonaise de Bourdelle, 1929
 
   Malgré l'humour évident, les pantins roses sont écrasés par les sculptures de Bourdelle qui dégagent une profonde humanité. Bourdelle n'est pas dupe de l'enthousiasme guerrier: sur le monument aux morts de Montauban, il représente un héros au corps d'homme et au visage d'adolescent, discrète manière de protester contre la guerre qui fait de la jeunesse de la chair à canon.



Etude pour le monument aux morts de Montauban
bronze d'Antoine Bourdelle, 1902
   Le monument aux morts de Capoulet et Junac en Ariège montre deux têtes hurlantes incarnant la peur, la souffrance et la mort. Si la commande est de célébrer les valeurs patriotiques, l'héroïsme, le sacrifice, Bourdelle montre aussi les ravages de la guerre.



Cabaret, le baiser, Gloria Friedmann (2008)
à côté d'une vieille bacchante (1903) de Bourdelle 
    Après la guerre de 14-18, Louis-Ferdinand Céline écrira dans « Voyage au bout de la nuit »: « La poésie héroïque possède sans résistance ceux qui ne vont pas à la guerre et mieux encore ceux que la guerre est en train d'enrichir énormément. » Bourdelle aurait sans doute été d'accord.



Tic-Tac, Tic-Tac de Gloria Friedmann (2008)
appartement d'Antoine Bourdelle
     Continuant sa série de vanités comiques, Gloria Friedmann installe un squelette argenté, assis sur la cheminée de l'appartement de Bourdelle. Pour être encore plus explicite, le memento mori est entouré de six pendules roses dont le tic-tac trouble à peine l'ambiance feutrée de la pièce.



Le parfait amour, Gloria Friedmann, 2008


    Dans une grande pièce blanche se trouve "le parfait amour", un homme tenant dans ses bras le squelette d'une mariée au long voile. Le squelette coiffé d'un voile de mariée est une figure récurrente des films d'épouvante mais ici le long nez rouge à la Pinocchio contredit l'aspect macabre du groupe en plâtre. Reste le grotesque d'un amour parfait qui ne se réalise qu'avec une morte.



Le parfait amour, Gloria Friedmann

    Sous les arcades du jardin, derrière les allégories de Bourdelle  sont posés Oryx + Crake, deux écorchés du futur: un homme et une femme faits de câbles, de prises électriques et de souris d'ordinateur. La femme est enceinte d'un écran de télévision.



Oryx + Crake de Gloria Friedmann (2007)
et allégorie de Bourdelle
  Oryx + Crake sont deux personnages du roman de science-fiction de Margaret Atwood où l'humanité subit des mutations génétiques. Elle décrit le pire des mondes issu d'une catastrophe planétaire. Allégories du monde numérique et de la fuite en avant vers un progrès incontrôlé, les statues de Gloria Friedmann parlent de la perte d'humanité. Comme les squelettes, ses androïdes  n'ont plus rien de charnel, seul leur forme les rattache à l'humain, comme un écho assourdi.



Oryx + Crake de Gloria Friedmann

   Gloria Friedmann mêle l'absurde, le grotesque et le macabre. A côté, les lourdes allégories d'Antoine Bourdelle (l'Eloquence, la Victoire, la Liberté et la Force) parlent d'un temps moins désenchanté.




Autres oeuvres de Gloria Friedmann au musée Bourdelle:
- Metropolis et Monsieur X dans la salle des Plâtres.
- Eux, animaux naturalisés dans l'atelier de Bourdelle.
- Hello, un oeuf craquelé posé sur un sofa rose dans l'appartement de Bourdelle.
- La Matrix, statue de femme portant un globe.
- Garden-party, pots de métal vert, dans le jardin.
- Les cosmonautes, dix bustes identiques dédiés à des personnalités.



 
L'appartement d'Antoine Bourdelle
Hello,oeuf craquelé révélant une tête de mort
Gloria Friedmann, 2008



 
    Le musée Bourdelle a donné carte blanche à Gloria Friedmann, plasticienne née en 1950 en RFA et vivant en France. L'exposition s'intitule Lune rousse: " la lune rousse apparaît dans un ciel sans nuages avec l'annonce d'un lendemain difficile."



Gloria Friedmann, Lune rousse
Du 9 octobre 2008 au 1er février 2009
Musée Bourdelle
16, rue Antoine Bourdelle, Paris 15eme


 
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Palagret
Texte et photos
février 2009

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1 février 2009 7 01 /02 /février /2009 00:30


    La Coupure de Daniel Buren se poursuit à l'intérieur même du musée Picasso. Divisant l'espace, l'oeuvre in situ est posé sur le parquet, contre les  murs et les moulures du plafond sans les abîmer.


La Coupure de Daniel Buren à l'intérieur du musée Picasso
ajustée aux moulures du plafond



La Coupure de Daniel Buren à l'intérieur du musée Picasso
"Figures au bord de la mer"  de Picasso


   Le plasticien morcelle les pièces de l'Hôtel Salé par des cloisons en miroir noir générant une confusion visuelle. Les ouvertures du nouveau parcours sont placées devant un pan de miroir sombre en polycarbonate; le visiteur hésite, tend le bras, troublé par cette incertitude visuelle.


La Coupure de Daniel Buren à l'intérieur du musée Picasso
"la flûte de Pan" et "Portrait d'Olga dans un fauteuil"  de Picasso


    Les dos des parois sont très visibles et, comme l'échafaudage qui soutient la Coupure dans la cour d'honneur de l'Hôtel Salé, ils font partie de l'oeuvre. Les planches de bois clair, similaires à celles qu'on voit au dos des décors de théâtre, soulignent le caractère éphémère de l'installation.


La Coupure de Daniel Buren à l'intérieur du musée Picasso
Figure, 1928, de Picasso


   Des rayures noires et blanches sont collées à l'intérieur des chambranles. Dans les salles d'exposition, les fenêtres sont restées transparentes, sans filtres colorés qui auraient dénaturer les tableaux. Mais les parois noires refléchissantes  modifient la perception des oeuvres de Picasso. On ne peut s'empêcher de regarder le reflet des deux jeunes gens de "la flûte de Pan", décoloré par le polycarbonate.

"la flûte de Pan" de Picasso (1923) et son reflet
La Coupure de Daniel Buren



"Paul en Arlequin" 1924 et "Portrait d'Olga dans un fauteuil"  de Picasso
rayures de Daniel Buren



     Anne Baldassari, conservateur général du Patrimoine, directrice du musée national Picasso a donné carte blanche à Daniel Buren qui a investi non seulement les façades de l'Hôtel Salé mais aussi l'intérieur, du sol au plafond. Le plasticien n'a pas voulu choisir lui-même les Picasso exposés.

 

Miroirs noirs de Daniel Buren à l'Hôtel Salé

Buren sur ce blog:



"La Coupure", Travail in situ
Primo
Entrée en matière

Du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009.
Tous les jours, sauf mardi, de 9h30 à 18h
Musée national Picasso, Hôtel Salé
5, rue de Thorigny
75003 PARIS
Téléphone : 01 42 71 25 21



Palagret
art contemporain

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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 01:00

   Invité à intervenir à l'Hôtel Salé, Daniel Buren ne se contente pas des façades. La Coupure de la cour d'honneur semble s'insérer dans ce beau bâtiment du 17è siècle; à l'intérieur la lame traverse les pièces sur trois étages.


Hôtel Salé, fenêtres de Daniel Buren

    Dès l'entrée, on remarque l'escalier monumental dont les contremarches sont barrées des rayures noires et blanches iconiques du plasticien.  Ces bandes verticales standard de  8,7 cm sont volontairement reprises dans presque toutes ses oeuvres, comme une jauge. Ici le motif  répond au pavage en diagonal des dalles de marbre du rez-de chaussée.


Hôtel Salé, escalier et bandes parallèles de Daniel Buren

    Daniel Buren transforme aussi les fenêtres qui donnent sur la cour d'honneur. Il les recouvre de filtres colorés (bleu, rouge, jaune, vert, rose), les mêmes couleurs que celles des fenêtres de la palissade qui entoure les colonnes du Palais-Royal enfin en réfection.

Hôtel Salé, fenêtres de Daniel Buren

    Au fil des heures, la lumière filtrée métamorphose les salons
du 17è siècle. Les médaillons et les statues de stuc et de marbre s'illuminent, les couleurs se réfléchissent sur les murs et les sols, créant une atmosphère onirique où les repères s'estompent. Cette douceur poétique contraste avec la dureté de la Coupure.

Hôtel Salé, fenêtres de Daniel Buren

    De grands miroirs argentés en polycarbonate obstruent les arcades et le décor coloré s'y multiplie.

Hôtel Salé, miroir argenté de Daniel Buren

     Passés les salons d'apparat vides, on arrive aux tableaux de Picasso exposés de chaque côté de la Coupure intérieure.




Sur ce blog:
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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 18:20

     Daniel Buren insère une lame monumentale dans l'Hôtel Salé à Paris. La surface de l'installation in situ est partagée en un petit triangle noir sous le fronton, et un grand quadrilatère miroir. Les lais en polycarbonate donnent un miroir imparfait qui réfléchit les bâtiments alentour tout en les déformant. Côté cour et côté jardin, comme un décor théâtral, la Coupure attend les spectateurs qui la font vivre par leur regard.

La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais

    A la rigueur géométrique de la lame s'oppose la fantaisie des reflets mouvants tout en courbe. Les fenêtres colorées, le fronton et les mansardes se déforment et se tordent tandis que le visiteur traverse la cour.



La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais

La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
reflet du fronton

    La Coupure est un mur haut de 16 mètres maintenu par un échafaudage très visible qui fait partie de l'oeuvre. Sur la tranche de la construction, Daniel Buren appose ses rayures obsessionnelles, toujours les mêmes et jamais les mêmes.


La coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
reflets déformés de la façade

     La lame traverse la cour sur 11 mètres de long, puis l'Hôtel Salé sur  trois étages et ressort  dans le jardin sur 11 mètres. Le bois de la Coupure est découpé pour épouser exactement les ornements du bâtiment, à l'extérieur et à l'intérieur du musée.

La coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
côté jardin

    Que les défenseurs du Patrimoine se rassurent, cette Coupure n'est qu'une illusion, un trompe-l'oeil, un décor éphémère. La lame ne fend pas vraiment les murs de ce bel hôtel du Marais, elle n'est que posée contre les façades.


La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
ajustement de la construction

 
    Côté jardin, la lame noire est un quadrilatère dont la pointe aigue repose sur le sol. Le miroir reflète la façade classique de l'Hôtel et les constructions plus banales qui l'entourent.


La Coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
côté jardin

   En sortant du musée, des lycéens et des lycéennes s'amusent avec leur reflet sur le miroir déformant de la Coupure, comme à la fête foraine. Ils marchent de long en large pour varier les effets, gesticulent et se prennent en photo avec leur téléphone portable. Au contraire de la bâche en trompe-l'oeil dégoulinant du 39 avenue George V, qui ne bougeait pas quelle que soit la position du spectateur, le double ondoyant de l'Hôtel Salé est produit par un vrai miroir, même s'il est volontairement défectueux.  Le soleil, les nuages ou la pluie, le point de vue de l'observateur modifient l'image  perçue. Cette fois-ci, l'altération  de l'architecture n'est pas une illusion peinte mais le réel renvoyé et modifié par la Coupure. Dans ce décor sans acteur, l'oeuvre de Daniel Buren n'existe que dans les déplacements du spectateur.

La coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais
Jeux devant le miroir déformant

   Anne Baldassari, conservatrice générale du Patrimoine, directrice du musée national Picasso a donné carte blanche à  Daniel Buren qui a investit complètement le musée à l'extérieur et à l'intérieur, du sol au plafond. Après les colonnes (les deux plateaux) dans la cour du Palais-Royal, voici une nouvelle oeuvre contemporaine dans un site classé. La Coupure cependant est précaire. Elle sera démolie. Vendra-t-on les morceaux aux enchères?


La coupure de Daniel Buren à l'Hôtel Salé dans le Marais


  En mars 2009, Daniel Buren réalisera une seconde intervention dans le musée avant sa fermeture pour deux ans de travaux. Pendant ce temps, une partie de la collection Picasso voyagera au Brésil, en Espagne à Madrid et Barcelone, à Abou Dhabi, Brisbane et Tokyo. Un tour du monde qui permettra de financer en partie la rénovation et l'extension du musée national Picasso.




"La Coupure", Travail in situ
Primo
Entrée en matière

Du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009.
Tous les jours, sauf mardi, de 9h30 à 18h
Musée national Picasso, Hôtel Salé
5, rue de Thorigny75003 PARIS
01 42 71 25 21


Liens sur ce blog:
les fenêtres colorées de Daniel Buren à l'Hôtel Salé
La Coupure de Daniel Buren face aux tableaux de Picasso

Palagret

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29 janvier 2009 4 29 /01 /janvier /2009 20:46


  La carte de France barrée d'une banderole "en grève" est un symbole  approprié, aujourd'hui 29 janvier. Cette carte fait partie d'Entropa, une composition plastique exposée dans l'atrium du Conseil européen à Bruxelles.


La France en grève
et la Suéde symbolisée par un carton Ikéa

Entropa de David Cerny, Bruxelles


    Il s'agissait à l'origine d'une oeuvre collective de 27 plasticiens représentant les 27 pays de l'Union européenne dont une brochure détaillait les cv, les intentions et les croquis préparatoires. Ce n'était qu'une  supercherie. Le plasticien tchèque David Černý a vite reconnu être le seul auteur du canular, aidé d'une petite équipe.


L'atrium du Conseil européen à Bruxelles


     Le président tchèque Vaclav Klaus, commanditaire de l'oeuvre,  a été roulé dans la farine. Il n'a pas apprécié le "message équivoque et insultant" délivré par Entropa, et a appelé son gouvernement à "publiquement désavouer cette affaire malheureuse", dans une lettre publiée sur le site internet du magazine Euro. Lors de l'inauguration d'Entropa, le vice-Premier ministre tchèque, Alexandr Vondra, a présenté ses excuses aux pays qui avaient "pu se sentir offensés", mais il a décidé de laisser Entropa en place comme prévu jusque fin juin, au nom de la liberté d'expression.

Carte de la Bulgarie ornée de WC à la Turque
Entropa de David Cerny, Bruxelles

    Entropa a effectivement scandalisé la Bulgarie et la Slovaquie qui n'ont pas apprécié l'humour tchèque.
La Bulgarie représentée  par des WC à la Turque s'est indigné. Les Bulgares ont demandé le retrait de l'oeuvre. Pendant la nuit, les WC ont été recouvert d'un voile noir, un autre symbole. Est-ce vraiment une bonne idée?


Carte de la Roumanie avec vampires
et carte de la Slovaquie en saucisson


     La Slovaquie n'a pas aimé non plus se voir symboliser par un saucisson ficelé avec le drapeau hongrois. Bratislava a demandé des excuses ce qu'a fait le vice-Premier ministre tchèque; l'affaire est close.


L'Espagne bétonnée et l'Autriche nucléaire
Entropa de David Cerny, Bruxelles


    Lors de l'inauguration, les cartes en relief de David Černý se sont animés. Les footballeurs italiens, posés sur un terrain de foot en forme de botte, mimaient l’acte sexuel avec le ballon posé sur leur ventre, les cheminées des centrales nucléaires de l'Autriche fumaient, les Draculas roumains clignotaient comme dans un parc d'attraction, etc ... . Sur l’écran en forme de République tchèque, des citations de « notre sauveur du monde », « notre grand philosophe », « notre grand penseur » défilaient. Le personnage ainsi grotesquement glorifié n'est autre que le président Vaclav Klaus, commanditaire naïf de l'oeuvre.1  Lui qui se méfie déjà de l'Europe!


     Les 27 pays de l'UE sont représentés par un stéréotype plus ou moins clair: 
- les Pays-Bas sont recouverts d'eau d'où émergent cinq minarets.
- la Pologne est planté d'un "drapeau arc-en-ciel", symbole des gays, tenu par un groupe de prêtres, imitant le monument aux soldats d'Iwo-Jima.
- le Portugal est couvert de steaks en forme d'Angola, de Mozambique et de Brésil, ses anciennes colonies..
- l'Espagne est couverte de plaques de béton.
- le Danemark est fait de Lego.

Carte du Danemark en Lego
Entropa de David Cerny, Bruxelles


- la Suède est un carton d'emballage Ikéa.
- la Finlande héberge un éléphant et un hippopotame roses (?)
-
l'Estonie montre un marteau et une faucille électriques.
- la Belgique est une boîte de chocolats à moitié vide
- le Luxembourg est à vendre au plus offrant. L'étiquette « for sale » est plus grande que le pays.
- l'Angleterre n'est pas là, c'est un espace laissé vide.

Carte d'Allemagne et autoroutes
Entropa de David Cerny, Bruxelles


- la carte d'Allemagne est ouverte d'autoroutes formant vaguement une croix gammée. On pourrait y voir les chiffres 1 et 8 correspondant aux initiales A et H (Adolf Hitler). David Černý dément et l'Allemagne n'a pas protesté.


 
     Video d'Entropa à Bruxelles


     Chaque pays d'Europe est caricaturé et c'est plutôt drôle. Il est encore plus drôle que la dérision vienne d'une commande officielle de la  République Tchèque pour inaugurer son arrivée à la tête de l'Union Européenne, le 1er janvier 2009, pour six mois! David Cerny, ne voulant pas être accusé d'une mauvaise utilisation des fonds publics, a déclaré qu'il rendrait l'argent. C'est la première fois qu'une oeuvre commandée par l'UE fait autant de bruit. La présidence française avait choisi une montgolfière de Starck dont on a peu entendu parler.

    Avec ses ironiques poncifs, David Cerny veut faire réfléchir aux idées reçues, les idées que chaque pays se fait de ses voisins, sans beaucoup de subtilité.
Les pays-jouets sont accrochés à une grille bleue, comme les pièces à détacher d'une maquette. Ainsi l'Europe est à construire et toutes les pièces assemblées formeront un tout ... si les constructeurs suivent bien la notice ou le pilote d'ULM qui coiffe la composition!

Palagret

1- in
1- www.radio.cz/fr/article/112162

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22 janvier 2009 4 22 /01 /janvier /2009 16:56

   C'est l'hiver et les loups sont entrés dans la ville, jusqu'au jardin du Palais-Royal à Paris. Leur silhouette figée apporte un peu d'étrangeté au jardin à la française endormi par le froid. Ce jour là, l'ombre des bêtes sauvages, sculptés par Olivier Estoppey, s'allongeait  sur la neige. Le sol gelé et la lumière dure donnaient à la meute un aspect dramatique.

Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal

    Gueule hurlante ou rasant le sol, corps ramassé prêt à l'attaque ou fouillant paisiblement la neige, les prédateurs rôdent entre les grilles du jardin et le parterre central. Leur matière rugueuse, tourmentée est faite d'un béton noir dont la couleur varie selon l'alternance du soleil et des nuages.

Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal


Olivier Estoppey modèle ses loups en argile, puis il coule le béton dans un moule en plâtre. Certains sculpteurs fabriquent cinq ou six  exemplaires de leur oeuvre, Estoppey lui détruit les moules et chaque pièce est unique.

Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal


"Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l'heure passé."

    Au contraire des formes de Verlaine, les loups dans le vieux parc solitaire et glacé ne parlent pas d'amour perdu. Ici point de colloque sentimental mais plutôt une inquiètante confrérie de fauves. A la nuit tombante, les peurs primitives d'un monde obscur ne sont pas loin.


Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal

   Ces treize loups ont déjà été exposés  en 2007 au village de Champex, dans le Valais, pour la 10e triennale de sculpture suisse contemporaine Bex & Arts 2008. En les voyant en meute sur un radeau posé sur l'herbe, Pascal Thomas a admiré  leur puissance dramatique. Il a voulu les utiliser dans le décor de son film "Le crime est notre affaire", une adaptation libre d'une nouvelle d’Agatha Christie. Le réalisateur est aussi le commissaire de l'exposition "Les loups d'Estoppey".


Les loups d'Estoppey
10e triennale de sculpture suisse contemporaine Bex & Arts 2008


Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal

    Non loin des sculptures figuratives et animalières d'Estoppey, l'installation conceptuelle de Daniel Buren (les deux plateaux) est en réfection derrière une palissade rouge percée de fenêtres colorées.

Les loups d'Estoppey dans le jardin du Palais-Royal

    Olivier Estoppey est un dessinateur et un sculpteur suisse de 57 ans.




Les loups d’Estoppey
Jardins du Palais-Royal
5 décembre 2008 - 25 janvier 2009
Accès libre

Palagret

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21 janvier 2009 3 21 /01 /janvier /2009 20:55
  
   Après la disparition à Madrid d'une sculpture de 38 tonnes, une autre oeuvre de Richard Serra apparaît à New-York. Nathan Kensinger, un photographe new-yorkais, publie une photo de ce qui ressemble à une sculpture de Richard Serra. Abandonnée dans le Bronx, près d'un ancien terminal de ferry, gît dans l'herbe une immense pièce circulaire d'acier rouillé. S'agit-il d'art contemporain ou d'archéologie industrielle? Ce pan de métal enroulé servait-il à la construction des navires? Les entrepôts délabrés clos de grillages déchirés sont-ils les ruines d'un chantier naval oublié depuis longtemps?


L'oeuvre de Richard Serra, abandonnée dans le Bronx
Photo Nathan Kensinger


  
A n'en pas douter, la spirale est une oeuvre de Richard Serra, le célèbre plasticien américain connu pour ses monumentales sculptures d'acier Cor-Ten à la couleur rouillée et aux formes géométriques. On a pu voir à Paris Clara Clara aux Tuileries et Promenade sous la nef du Grand Palais.


Clara Clara, parenthèse de Richard Serra aux Tuileries


    En 1970 Richard Serra a installé une oeuvre dans le Bronx: "To Encircle Base Plate Hexagram, Right Angles Inverted". Elle est formé d’un cercle d’acier de 7,9 mètres de diamètre et large de 20 centimètres, incrusté dans la chaussée. Sur la photo de Nathan Kensinger, l'oeuvre  a l'air plus imposante.

 


Intersection II, sculpture de Richard Serra au MOMA de New-York
source

  
    La sculpture abandonnée ressemble aux courbes parallèles (Torqued ellipse) comme en a exposé Richard Serra au MOMA de New-york ou au Guggenheim de Bilbao. L'oeuvre ressemble aussi à "Joe", une spirale d'acier exposée à la Fondation Pulitzer pour les Arts, à Saint-Louis.


"Joe" de Richard Serra
Fondation Pulitzer pour les Arts, à Saint-Louis.


   Richard Serra conçoit ses sculptures comme des expériences sensorielles. Il faut marcher autour et à l'intérieur des murs d'acier pour en sentir la puissance qui en émane. Ici, au milieu de rien, loin de tout public, la sculpture abandonnée dans le Bronx ne vit plus.


Promenade de Richard Serra, au Grand Palais



         Comment une pièce aussi gigantesque, oeuvre de Richard Serra plasticien mondialement connu, peut-elle être oubliée, non référencée? Que le Bronx, quartier de New-York en triste état, contiennent de vastes entrepôts abandonnés et des maisons murées attendant la démolition, n'explique pas que cette monumentale sculpture passe inaperçue. Bien que les New-Yorkais ne s'intéressent pas à leur héritage industriel et détruisent leur patrimoine sans hésitation pour faire place à de nouveaux quartiers, les galéristes et les conservateurs de musée devraient être plus informés. Peut-être le sont-ils et préfèrent-ils garder l'information pour eux.

    Pour l'instant la sculpture démontée n'est pas vraiment une oeuvre de Serra, elle ne le deviendra que lorsqu'elle sera correctement exposée sur une place publique selon les plans de l'artiste, si elle échappe à la destruction, découpée en morceaux pour être vendue au prix du métal selon le bon-vouloir de son propriétaire. 

   Le photographe Nathan Kensinger est un explorateur urbain. Il s'intéresse aux friches industrielles où il entre sans vraiment demander la permission et photographie ce qui va disparaître avant que les bulldozeurs ne pulvérisent tout.


Palagret
janvier 2009
art contemporain ou archéologie industrielle?


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19 janvier 2009 1 19 /01 /janvier /2009 17:40

    Les rues de Sydney sont-elles sûres? Des cubes géants multicolores, coincés entre les murs d'une ruelle, surplombent les passants, menaçant de leur tomber sur la tête. Les sydney-siders, quittant une rue à fort traffic pour une ruelle tranquille, ne semblent  pas trop inquiets devant cette exposition d'art contemporain.

“One More Go One More Go”
Tetris géant dans une ruelle de Sydney

source

    La nuit, les cubes de plastique suspendus s'éclairent ,donnant des couleurs à la ruelle. “One More Go One More Go”, le Tétris monumental est une oeuvre éphémère présentée par la galerie Gaffa avec un collectif d'artistes: Kelly Robson, Ella Barclay, Hugh Rutherford, Adrianne Tasker, Ben Backhouse.

“One More Go One More Go”
Tetris géant dans une ruelle de Sydney

source


    Les cubes sont une évocation de Tétris, un des premiers jeux video inventé en 1985 par  Alexey Pajitnov de l'Académie des sciences de l'URSS. Tout le monde a joué à ce jeu obsédant, dévoreur de temps, où quatre carrés aux couleurs franches dégringolent en cascade sur l'écran d'ordinateur. Le joueur doit les ordonner et les imbriquer par couleurs tandis que d'autres blocs continuent de tomber. Leur chute aléatoire mais prévisible ne s'arrête qu'avec la victoire ou l'échec. Ici à Sydney dans  Abercrombie Lane, les blocs de carrés sont devenus des sculptures légères en trois dimensions. Les cubes immobilisés dans leur chute existent dans le monde réel, un monde beaucoup moins ordonné et prévisible que celui des jeux vidéo et la défaite est suspendue. Quelle équation mathématique règle notre chaos? L'installation pose la question de notre capacité à maitriser notre environnement ou notre destin.

“One More Go One More Go”
Tetris géant dans une ruelle de Sydney

source

  D'autres oeuvres sont exposées comme le Tank Project d'Adam Norton, des tanks disséminés dans la ville et The Sky is Falling ! (le ciel est en train de tomber), des globes terrestres suspendus.

L'exposition en plein air s'intitule  « Live Lanes - By George! » soit Ruelles animées – Mon Dieu. George n'est pas le nom d'un artiste mais un juron.


4 Octobre 2008 - 31 Janvier 2009
Sydney, Australie
Palagret

Live lanes

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