A l'automne 1965, Roy Lichtenstein peint des tableaux dont le sujet est la peinture elle-même. Les Brushstrokes (coups de pinceau) sont dans la lignée de l'expressionisme (Jackson Pollock, William de Kooning) où l'acte de peindre, avec ses coulures et ses taches, était le vrai acte artistique et non l'imitation et la représentation du réel.
Brushstroke, coup de pinceau, de Roy Lichtenstein 1988, détail
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
Avec ironie, Lichtenstein détourne la théorie de l'action painting. Son coup de pinceau n'est plus spontané et imparfait comme dans l'expressionnisme abstrait. Au contraire il peint soigneusement des coups de pinceau agrandis et simplifiés, cernés de noir sur une trame de points. Le brushstroke, l'acte fondamental de peindre est dépersonnalisé, sans émotion. Le geste pictural est parodié de la même manière que les images tirées des comic-books, dans un style froid et mécanique. La toile est parfaitement lisse, sans éclaboussure ou dripping, et les pinceaux représentés sont plus des outils de peintre en bâtiment que des pinceaux d'artiste.
1- Brushsrokes 1965, 2- Brushstroke with spatter 1966. Exposition Roy Lichtenstein, Centre Pompidou
"Même si j'avais caressé l'idée auparavant, ça a commencé avec une image de bande-dessinée représentant un artiste fou qui barrait, avec un énorme coup de pinceau en forme de X, le visage et l'esprit qui le hantait. J'en ai fait un tableau. Celui-ci comprenait le coup de pinceau en X, le pinceau et la main de l'artiste. Puis j'ai continué à faire des tableaux de coups de pinceau uniquement."
Strange suspens stories, The painting, de Dick Giordano, 1964 - 3
Source probable de l'inspiration de la série des Brushstroke
"Ca m'intéressait de décrire, voire de caricaturer, un coup de pinceau. La nature même d'un coup de pinceau est antinomique par rapport aux contours et au remplissage tels qu'ils se pratiquent dans la bande dessinée. J'ai donc développé une forme pour cela, ce que j'essaie aussi de faire pour les explosions, les avions et les personnes - à savoir, obtenir une chose standardisée - un tampon ou une image. Le coup de pinceau était particulièrement complexe. L'idée m'est venue très tôt à cause des tableaux de Mondrian et de Picasso qui m'ont inévitablement conduit à l'idée de réaliser un De Kooning. Les coups de pinceau font évidemment référence à l'expressionisme abstrait." 1
Brushstroke, Coup de pinceau, de Roy Lichtenstein 1988
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
"Les coups de pinceau revêtent une importance primordiale dans l'histoire de l'art. Les coups de pinceau sont presque un symbole de l'art ... Bien sûr quand les coups de pinceau sont visibles sur une toile, on y voit un côté grand geste. Mais, entre mes doigts, le coup de pinceau devient la représentation de ce grand geste. Il y a ainsi une contradiction frappante entre ce que je dépeins et comment je le dépeins."
Brushstroke, Coup de pinceau, de Roy Lichtenstein 1988
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
Les Brushstrokes peints sont sans ombre ni relief, sans profondeur. Juste des images planes sur une surface plane. A partir de 1980, Roy Lichtenstein reprend le motif du coup de pinceau en sculpture, jouant du paradoxe de représenter en trois dimensions un pur geste pictural.
"Le coup de pinceau, c'était juste une idée au départ. La peinture la rend plus concrète mais quand vous en faites une sculpture de bronze, ça devient réel, ça pèse lourd et c'est absurde, contradictoire et amusant." 2
Brushstroke, Coup de pinceau, de Roy Lichtenstein 1988, détail
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
Caisse des Dépôts et consignations, Paris
Caisse des Dépôts et consignations
Quai Anatole France, Paris