14 mai 2011 6 14 /05 /mai /2011 15:51

 

    Il faut pousser les portes tournantes d'un tambour pour accéder à l'intérieur de Léviathan, le monstre d'Anish Kapoor. C'est une vaste caverne gonflée d'air pulsé, un ventre de baleine, un ventre maternel, qui nous enveloppe, nous écrase presque du haut de ses 37 mètres. Il y fait chaud et sombre. Les nuages et le soleil traversent la verrière du Grand Palais et strient l'enveloppe rouge de raies noires. On distingue trois morceaux comme, selon Anish Kapoor, une croix tronquée ou la Vénus de Willendorf, une statuette préhistorique aux formes rebondies

 

 

Anish Kapoor Monumenta Léviathan in 0878Le ventre de Léviathan, le monstre d'Anish Kapoor

sculpture gonflable

 

 

 

«Le Leviathan est cette grande force archaïque pour moi liée à l’obscur. C’est un monstre encombré par son corps qui garde des régions oubliées de notre conscience» déclare Anish Kapoor.



 

Anish Kapoor Monumenta Léviathan in 1007Le ventre de Léviathan, le monstre d'Anish Kapoor


     

  On ne peut rester très longtemps dans cette enveloppe charnelle tant l'espace illusionniste est déroutant et l'air oppressant. Il faut repasser les portes tournantes et accéder à l'immense salle du Grand Palais pour essayer d'appréhender le monstre qui se déploie sous la verrière, un monstre qu'on ne peut jamais voir en entier tellement il est grand.


 

Anish Kapoor Monumenta Léviathan ext 0Léviathan d'Anish Kapoor, Monumenta 2011, vu de l'intérieur

sculpture gonflable


 

   Anish Kapoor joue avec les notions d'intérieur et d'extérieur, d'envers et d'endroit, deux réalités simultanées qui n'ont pas de relation entre elles, comme il l'expliquait dans son entretien avec Jean de Loisy, le 11 mai. 

 

 

   La fine enveloppe de 2 millimètres en PVC rouge pèse 15 tonnes pour un volume de 72.000 m³, gonflé à l'air pulsé. Deux cent soixante et onze visiteurs à la fois seulement peuvent entrer dans le ventre de la bête.

 

 

Monumenta 2011

Léviathan, Anish Kapoor

Du 11 mai au 23 Juin 2011

Tous les jours sauf le mardi

de 10h à 19 h le lundi et mercredi

De 10h à minuit du jeudi au dimanche 

Grand Palais, Paris



Liens sur ce blog:

Video: Anish Kapoor explique son oeuvre 

Léviathan vu de l'extérieur, la sculpture gonflable-gonflée d'Anish Kapoor à Monumenta

Anish Kapoor, Cement Works, proto-architecture auto-générée aux Beaux-Arts


Monumenta 2010, Boltanski: Personnes, l'absence, la présence et le hasard

Monumenta 2008, une promenade avec Richard Serra

Monumenta: les Kabakov à la rencontre de l'ange dans l'étrange cité

 

 


 

 

 

Palagret

art monumental

mai 2011

 

 

 

 

 

 

 

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20 janvier 2011 4 20 /01 /janvier /2011 17:02

  

   Personnes, installation de Christian Boltanski sous la verrière du Grand Palais pour Monumenta 2010.




Boltanski au Grand Palais, Personnes
envoyé par Palagret.

 

 

Lire l'article: 

Monumenta 2010: Boltanski, l'absence, la présence et le hasard


 


Le making of de Personnes - Christian Boltanski
envoyé par monumenta. -

 

 

Personnes, Christian Boltanski

Monumenta 2010 du 13 janvier au 21 février

Grand Palais, avenue Winston Churchill, Paris 75008



Liens sur ce blog:


Monumenta 2010, Boltanski, coeurs battants sous la nef

Monumenta 2008, une promenade avec Richard Serra

Monumenta 2011: Anish Kapoor succédera à Boltanski au Grand Palais

Monumenta: les Kabakov à la rencontre de l'ange dans l'étrange cité

 

Déchets et accumulations dans l'art contemporain


 

 

Palagret

janvier 2011

 

cc.gif


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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 23:33

 

   Dès l'entrée, le regard bute sur un mur de boîtes de biscuits rouillées, sorte d'iconostase séparant le monde profane du monde symbolique. Le bruit hypnotique de centaines de coeurs battant désunis s'amplifie lorsqu'on découvre l'installation de Christian Boltanski sous ...
 
 
 
Boltanski Personnes entrée boîtes soirPersonnes, installation de Christian Boltanski
Monumenta 2010, Grand Palais, Paris

 

 

* Video ici

 

 

Personnes, Christian Boltanski

Monumenta 2010 du 13 janvier au 21 février

Grand Palais, avenue Winston Churchill, Paris 75008

 

 

 

Palagret

janvier 2010

 

cc.gif

 

 

 

 

 

 

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5 décembre 2009 6 05 /12 /décembre /2009 10:25

 

   Shift, le zig-zag de béton posé sur des collines près de Toronto était menacé d'encerclement, sinon de destruction, par des promoteurs. Le Conseil de Kingtown, au Canada, en a décidé autrement.

  Richard Serra est très heureux de ce vote inattendu: "Si les propriétaires ne font pas appel de cette décision, je vais m'impliquer afin de faire tracer un chemin d'accès, d'entretenir la sculpture et de la rendre permanente."


Shift de Richard Serra


  Voir description de Shift


   En effet, le conseil du Township de Kingtown vient de voter pour accorder le statut de paysage culturel à la sculpture monumentale Shift et aux terres alentour sous le Ontario Heritage Act. C'est la première fois qu'une telle démarche est entreprise au Canada sans l'accord du propriétaire. Cette démarche suit plusieurs années de négociations infructueuses avec Hickory Hills Investments (Great Gulf Group of Companies). Il faut encore déterminer la surface des terres associée à la sculpture. La sculpture restera propriété de Hickory Hills Investments mais la construction des lotissements prévus alentour est en suspens.

 

 

     La ville espère instituer une journée "porte ouverte" pour que le public puisse accéder au site.

    Les oeuvres d'art monumentales sont souvent en danger quand les héritiers veulent faire fructifier le terrain sur lequel elles sont construites. En France un cube de béton et de faïence, pesant plusieurs tonnes, de Jean-Pierre Raynaud a été détruit au marteau-piqueur.

 

    Les oeuvres d'art sont aussi détruites pour des raisons politiques ou religieuses. Au 8è et IXè siècle, les iconoclastes détruisirent les fresques et les sculptures représentant la figure humaine. On voit en Cappadoce de nombreuses églises rupestres où les visages ont été effacés, recouverts ou cassés. Les révolutionnaires cassèrent les têtes des rois de France sur la façade de Notre-Dame de Paris. En 2001 en Afghanistan, les Talibans ont dynamité le Bouddha de Bâmiyân, datant de plus de 1500 ans et haut de 53 mètres.

 

   Que ce soit pour de l'argent ou par fanatisme, les oeuvres d'art disparaissent.

 

 

Liens sur ce blog:

Richard Serra, Clara Clara aux Tuileries
Richard Serra, Monumenta 2008 au Grand Palais


 

 

 

Palagret


Source: The Globe & Mail

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17 novembre 2009 2 17 /11 /novembre /2009 11:38


  Après Christian Boltanski dont l'installation monumentale n'aura certainement rien de joyeux, le sculpteur anglo-indien Anish Kapoor apportera de la couleur sous la verrière du Grand Palais.

"La couleur va jouer un grand rôle dans MONUMENTA 2011. Ce que je veux, c’est que l’expérience de l’oeuvre soit un monochrome total. Inonder le visiteur avec la couleur. Je ne vais pas dire maintenant quelle couleur, même si je sais ce que je souhaite, mais ça sera très important dans le processus."

    Connu pour ses spectaculaires sculptures de pigments colorés, ses installations de cire rouge et ses miroirs, le plasticien anglo-indien expose actuellement à la Royal Academy de Londres.


 As if to Celebrate I Discovered ... , 1981
Sculpture d'Anish Kapoor



    "Comme dans le monde baroque, confie Anish Kapoor, l'apparence est décorative, tout en surface, mais en dessous se cache un sombre secret ; la décadence et l'entropie ne sont jamais bien loin." 1

 


Marsyas, installation d'Anish Kapoor


    «La couleur est à la limite du sens, c'est un outil très puissant de l'abstraction et de l'imagination. Elle n'est jamais neutre. La cire rouge, associée à une certaine matière, acquiert un caractère figuratif. Je ne dessine ni corps ni formes humaines, cela ne m'intéresse pas. Mais la cire rouge en a presque la qualité. La même chose avec le béton. Comme à l'opéra, je pense que le rouge crée des ténèbres beaucoup plus sombres, psychologiquement et physiquement, que le noir ou le bleu.» 2



  My red homeland

sculpture d'Anish Kapoor

 

 

   Pour Monumenta 2012, ce sera au tour de Daniel Buren d'occuper l'immense nef du Grand Palais.


 

Liens sur ce blog:

Anish Kapoor explique Léviathan, Monumenta 2011, vidéo

Anish Kapoor, Cement Works, proto-architecture auto-générée aux Beaux-Arts

Monumenta 2010, Boltanski, coeurs battants sous la nef

Leviathan, dans le ventre du monstre boursouflé d'Anish Kapoor, Monumenta 2011

Monumenta: les Kabakov à la rencontre de l'ange dans l'étrange cité

 

Diaporama des oeuvres d'Anish Kapoor

 


Monumenta 2010

Christian Boltanski

du 13 janvier au 21 février 2010

Grand Palais, Paris


Monumenta 2011

Léviathan, Anish Kapoor

Du 11 mai au 23 juin 2011

Grand Palais, Paris


 

Palagret
novembre 2009


1- in Le Monde
2- in Le Figaro

 


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20 mai 2008 2 20 /05 /mai /2008 22:49


CINQ MONUMENTALES STELES D'ACIER


   Le mouvement des nuages parisiens projettent l'ombre de la serre du Grand Palais sur les plaques d'acier, dessinant d'arachnéennes lignes qui brouillent le regard. Selon l'heure et le ciel, Promenade de Richard Serra change d'aspect.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais


    Après Anselm Kiefer en 2007, Richard Serra occupe la nef du Grand Palais. Dès l'entrée, on ne voit de Promenade que la tranche de la stèle centrale et l'immense verrière. Puis on découvre l'oeuvre en totalité, cinq  stèles monumentales conçues spécialement par Richard Serra pour Monumenta 2008. Disposées asymétriquement le long de l'axe central de la nef, hautes de dix-sept mètres, large de quatre, et pesant soixante-quinze tonnes chacune, les plaques semblent pourtant légères dans cet espace immense de 13.500 m².



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais


«Quand j'ai découvert cet espace, j'ai d'abord été frappé par son immensité. Puis par la lumière qui s'y déverse. J'étais bouleversé. J'ai pensé qu'il me fallait mettre à profit cette lumière. Alors j'ai imaginé de dresser ces plaques d'acier vers la voûte de la verrière, en dépassant la hauteur des mezzanines. L'échelle est très importante. Il s'agissait de ne pas remettre en cause l'architecture du lieu, d'en respecter les proportions.» 1



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais



    Promenade, le titre choisi pour cette installation, indique bien qu'il faut déambuler au milieu des plaques pour l'apprécier et la comprendre. Comme Clara Clara aux Tuileries, c'est le promeneur qui crée l'oeuvre par son déplacement, une oeuvre unique, personnelle, différente de celle d'un autre promeneur.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
ronde d'enfants

« Vous n’avez pas besoin de connaître quoi que ce soit à l’histoire de la sculpture ou à l’histoire de l’art pour comprendre, voir et percevoir ce travail conçu en relation avec l’espace. Le contenu réside dans le visiteur. Il ne s’agit pas juste de grandes plaques en l’air, mais le contenu c’est votre propre expérience alors que vous marchez  dans, à travers, et autour de l’ensemble du champ sculptural.  (…) La manière dont l’espace est habité et l’aspect temporel de ce travail en constituent le contenu selon la façon dont le visiteur comprend cette sculpture. Il n’a pas besoin de la comprendre de façon explicite car il va l’expérimenter. (…)
Il n’existe pas d’exposition à l’heure actuelle où on vous demande de parcourir toute la longueur du hall en imaginant que la salle d’exposition est un récipient, un récipient architectural qui est converti en une sculpture. Habituellement, si vous venez visiter un salon, il y a plein de petites boites et chacun présente des petites choses dans ces petites boîtes. Ici, il y a une différence de genre, je ne dis pas une différence de qualité, mais par son aspiration la sculpture est vraiment concernée par le visiteur qui marche selon son propre mouvement corporel et choisit où il veut aller. Il ne marchera peut être pas le long de l’axe sur toute sa longueur, mais s’il veut comprendre la complexité de ce travail, il le fera, et je pense que la majorité des gens seront suffisamment curieux pour le faire, en tous cas, c’est mon espoir. » 2


    Les visiteurs, en effet, parcourent la nef et tournent autour des stèles. A chaque pas l'oeuvre change, il est très difficile de voir les cinq plaques en même temps sinon aux deux extrémités de l'axe central et de l'entrée. Partout ailleurs, on ne voit que quatre pièces, la cinquième étant toujours masquée.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
Ombres sur les stèles


    Les plaques d'acier sont légèrement inclinées (un degré soixante-neuf), d'un coté et de l'autre, et bien qu'elles soient solidement ancrées dans le sol bétonné, on éprouve une petite inquiétude. Une médiatrice, portant un T-shirt noir avec l'inscription « Monumenta 2008 » nous rassure: il faudrait une force de soixante-seize tonnes pour faire tomber une plaque. Ouf!  Inutile de craindre un effet domino.


Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
Epaisseur de la stèle


  
     De plus, le sol a été consolidé. On a foré pour enfoncer des pieux à quinze mètres de profondeur. Des traces d'usinage ou de montage se lisent à la surface des plaques couleur rouille. La marque des ventouses qui ont aidé à mettre en place ces gigantesques sculptures se voit clairement, l'artiste a voulu les laisser. Il a aussi voulu que les balcons ne soient pas accessibles. Pour lui, Promenade doit se voir, se vivre du sol et non en surplomb.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais


    Les médiatrices de Monumenta 2008 encouragent les enfants à toucher les plaques légèrement rugueuses, à en faire le tour en levant la tête afin d'appréhender l'oeuvre avec leur corps. Ils s'amusent beaucoup même s'ils ont un peu le vertige. Ils laissent quelques empreintes de mains aussi. Un peu plus loin un atelier sensibilise les enfants à la création contemporaine. Il les fait réfléchir aux notions mises en jeu dans le travail du sculpteur, l'équilibre, la verticalité, le rythme, la pesanteur etc.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
Travaux d'enfants



    Dans « 2001 Odyssée de l'espace », le film de Stanley Kubrick, on voit une énigmatique stèle noire, chue du ciel ou sortie des entrailles de la terre. Les singes qui la découvrent lèvent la tête vers elle sans comprendre. Le visiteur, lui, est mieux préparé car Richard Serra est un des sculpteurs américains les plus connus. Son oeuvre est exposée partout dans le monde.


     Richard Serra livre une oeuvre fragile et monumentale à la fois. Chaque plaque est d'une seule pièce, sans soudure, alors que le décor qui entoure cette sculpture minimaliste aux lignes très pures est lui morcelé, fait de nombreuses pièces soudées et boulonnées. Les rivets apparents, en plus d'assurer la stabilité et la solidité de la structure du Grand Palais, créent un rythme décoratif, tout le contraire de Promenade.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
une stèle encadrée par les piliers boulonnés


    Promenade, dans sa nudité minérale, se découpe sur les arabesques de la verrière et les motifs floraux de la dentelle de fer du Grand Palais, chef-d'oeuvre de l'architecture de fer 1900. L'ampleur du lieu et sa complexité visuelle dominent l'oeuvre. Il est probable que « Promenade », exposée à l'air libre, aurait plus de force en se découpant sur le ciel.



Promenade, oeuvre de Richard Serra dans la nef du Grand Palais
Stèle se découpant sur la verrière





Palagret
art contemporain
mai 2008



2- in dossier de presse. Entretien avec  Alfred Pacquement, commissaire de l'exposition.



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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 19:27

 

Clara Clara et les promeneurs


voir le début: Serra aux Tuileries I


    Rien de moins fragile que Clara Clara, la monumentale sculpture minimaliste de Richard Serra. Installée dans le fer à cheval du jardin des Tuileries, longue de trente-six mètres sur 3,4 mètres de haut, ses deux murs d'acier incurvés semblent solidement posés.


Clara Clara, sculpture de Richard Serra,
vue à travers les grilles du jardin des Tuileries

    Pourtant à voir les promeneurs donner des coups de pied ou pousser contre les murs, on espère que la parenthèse rouillée est bien en équilibre et ne risque pas de nous tomber dessus. Venant de la place de la Concorde et allant vers le jardin ou inversement, d'autres promeneurs insouciants passent au milieu, ne s'interrogeant même pas sur la présence de cet édifice devant le jardin.


Clara Clara, sculpture de Richard Serra, au jardin des Tuileries


    D'autres grommellent ou protestent vaguement devant cette oeuvre d'art radicale. On évite le "mon fils de cinq ans fait aussi bien" qu'attirent encore les oeuvres abstraites car il faudrait un bambin gargantuesque pour manipuler des pièces aussi énormes. Les amateurs se contentent d'admirer et de tourner autour de la sculpture tandis que certains badauds, confrontés à cette chose étrange, ne peuvent s'empêcher de la dégrader. Ils apposent l'empreinte de leur pied ou de leur main avec la poussière du sol. Les empreintes de main sont une des formes les plus primitives de l'art, on en trouve dans les cavernes préhistoriques. Les promeneurs, face à cette minéralité brutale, se sentent-ils ramenés à l'âge de pierre? Ou font-ils seulement les malins pour divertir leur famille ou leurs amis?

Clara Clara, sculpture de Richard Serra, au jardin des Tuileries
Dégradation avec empreintes de main et de pied


    Exposées dans un musée, les oeuvres d'art sont protégées par le respect que les visiteurs éprouvent pour l'institution. Les rares dégradations sont le fait de quelques illuminés. En plein air les oeuvres sont à la merci de tous et ne bénéficient pas de la révérence des amateurs d'art. Comme ils gravent leur nom dans l'écorce des arbres ou griffonnent les murs des monuments, les promeneurs aiment marquer leur passage.


Clara Clara, sculpture de Richard Serra, au jardin des Tuileries
    Dans un entretien avec  Alfred Pacquement, commissaire de l'exposition,  Richard Serra reconnait que les dégradations d'une oeuvre dans l'espace publique sont malheureusement  inévitables.  1

Clara Clara vient d'être nettoyée. Et d'autres traces sont déjà apparues.

 

Photos Catherine-Alice Palagret
mai 2008
art monumental
1- in Dvd de l'exposition Monumenta 2008.


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12 avril 2008 6 12 /04 /avril /2008 17:19


UNE SCULPTURE MONUMENTALE DE RICHARD SERRA  A PARIS


    Dans les jardins des Tuileries, côté Concorde, une grue soulève une énorme tôle d'acier rouillé qui vient s'ajuster à une autre posée sur la tranche. Un soudeur les raccorde sous l'oeil attentif des promeneurs. Un grand morceau attend sur le sol. Les ouvriers s'activent pour monter une monumentale sculpture de Richard Serra longue de 36 mètres sur 3,40 de haut.

Installation de Clara-Clara, sculpture de Richard Serra dans le jardin des Tuileries à Paris.



    La sculpture Clara-Clara, du nom de la femme de l’artiste, est formée de deux parenthèses inversées qui se tournent le dos et ne se touchent pas, ménageant un chemin pour le promeneur qui peut aller de la place de la Concorde au jardin.


Installation de Clara-Clara, sculpture de Richard Serra.
Jardin des Tuileries à Paris.
Au fond l'obélique de la Concorde.


    Légèrement inclinées, jouant de leur stabilité réelle et de leur instabilité visuelle, de leur poids écrasant, les murailles dominent le passant, l'intimident. Puissantes, protectrices et menaçantes, elles interrogent les notions d'équilibre, de gravité et d'espace. Alors que dans la sculpture classique le spectateur tourne autour de l'oeuvre et peut l'appréhender entièrement, ici il se promène au milieu de l'oeuvre, à l'intérieur et à l'extérieur, et n'en a pas une vue d'ensemble sinon en trouvant un poste d'observation en hauteur.


     "Le spectateur devient conscient de lui-même. En bougeant la sculpture change. La contraction et l'expansion de la  sculpture résulte du mouvement. Pas à pas, la perception non seulement de la  sculpture mais de l'environnement tout entier change." disait Richard Serra à propos de Tilted arc. Une analyse qui s'applique à toutes ses oeuvres et à toutes les oeuvres in situ comme celles de Daniel Buren.


Installation de Clara-Clara, sculpture de Richard Serra. Jardin des Tuileries à Paris.


    Posée dans le « fer à cheval », Clara-Clara réinvente radicalement l’entrée du jardin des Tuileries dessinée par Le Nôtre. Ses deux feuilles d'acier courbées s'harmonisent aux deux rampes du fer à cheval qui mènent aux terrasses du jardin. Le canyon métallique, large côté Concorde, s'étrécit au centre avant de s'élargir de nouveau vers le jardin permettant d'apprécier la rigueur classique du jardin à la française et de son bassin. La sculpture s’inscrit puissamment dans l'axe royal qui va du Louvre à l’Arc de Triomphe, prolongé aujourd'hui jusqu'à l'arche de la Défense et aux jardins de Nanterre.
 

    L'installation de la Clara-Clara précède l'exposition Monumenta 2008 qui présentera au Grand Palais « Promenade », une sculpture inédite de cinq pièces, de Richard Serra, du 7 mai au 15 juin 2008.

D’une hauteur de 60 mètres et d’une superficie de 13 500 m2, la nef accueillera facilement sous sa verrière aux nervures métalliques les gigantesques plaques, hautes d'une vingtaine de mètres, conçues spécifiquement pour ce lieu magique.


    Actuellement en construction dans les ateliers de l'usine Industeel, du groupe ArcelorMittal, à Châteauneuf, les oeuvres arriveront à Paris en convoi exceptionnel. La couleur rouille des pièces est obtenue grâce à un enduit soigneusement contrôlé.

    Conçue en 1983 pour le jardin des Tuileries, Clara-Clara, jugée trop encombrante, avait été démontée et stockée par la Ville de Paris. On ne sait toujours pas où l'oeuvre sera définitivement installée à la fin de Monumenta. Difficile de trouver un lieu idéal pour cette énorme sculpture.

 
Installation de Clara-Clara, sculpture de Richard Serra.
Jardin des Tuileries à Paris.
Vue vers la place de la Concorde.


    La confrontation de l'art contemporain monumental et des jardins classiques, au centre du Paris historique, est controversée. Certains n'aiment pas qu'on « défigure » les lieux classés et l'oeuvre de Richard Serra ne leur plaira pas. Pas plus que la gigantesque araignée de Louise Bourgeois, à l'autre bout du jardin, qui se mesure aux façades classiques du Louvre. D'un coté une oeuvre abstraite, minimaliste, d'une grande rigueur qui ne renvoie qu'à sa beauté plastique, de l'autre une oeuvre baroque qui renvoie aux cauchemars et à l'arachnophobie. Le jardin de sculptures des Tuileries est de plus en plus intéressant.



Le Bon Samaritain de François-Léon Sicard
et
Maman, l'araignée géante de Louise Bourgeois,
dans le jardin des Tuileries à Paris

 
     Le désaveu populaire des oeuvres abstraites dans l'espace public et les cabales qui s'en suivent aboutissent parfois à une destruction. En 1981 « Tilted arc », commandée à Richard Serra sur fonds publics, fit beaucoup de bruit. La  pièce de 36,5 mètres de long sur 3,6 mètres de haut fut installée sur Federal Plazza à New-York, dans le bas-Manhattan. Elle coupait la place en deux au grand mécontentement des employés de bureaux alentour qui ne pouvaient plus circuler facilement.

   Tilted arch de Richard Serra sur Federal Plazza à New-York. Sculpture disparue                


    Après une campagne de protestation des usagers de la place contre "Tilted arc" et des mois de bataille juridique, malgré les protestations de nombreux plasticiens dont Claes Oldenburg et Frank Stella soutenant Serra, un jugement ordonna l'enlèvement de la sculpture (1). En 1989, de nuit, la sculpture fut découpée en morceaux et envoyée chez un ferrailleur. Richard Serra avait prévenu qu'il s'opposerait à la réinstallation de l'oeuvre dans un autre lieu; "Tilted arc" était conçu pour un lieu précis et ne pouvait exister ailleurs.


  Né en 1939 en Californie, Richard Serra est un des artistes majeurs de l'art minimaliste américain. Il connait bien Paris pour y avoir vécu et étudié en 1965. En 1983 il exposait au Centre Pompidou.

    
 Intersection II. Moma, New-York. Photo: wallig

   
           Wake de Richard Serra. Seattle. Photo: jbrownell

    
Fulcrum de Richard Serra. Londres, devant la gare de Liverpool  Photo: firemantim 



    Les monumentales oeuvres de Richard Serra sont régulièrement exposées dans les grands musées américains et européens.


Video: Richard Serra commente "Band" une des oeuvres de l'exposition "Forty years" au MOMA de New-York en 2007.



Voir la fabrication de "Promenade" dans les usines Industeel à Châteauneuf sous l'oeil de Richard Serra:
Work in progress
Monumenta 2008


Texte et photos non attribuées: Catherine-Alice-Palagret



Source: (1) The destruction of Tilted arc. Documents publiés par Clara Weyergraf-Serra and Martha Buskirk en 1990.


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17 octobre 2007 3 17 /10 /octobre /2007 13:32

 

 La sculpture classique, de la Grèce à la Troisième République, a toujours représenté les dieux et les héros plus grands que nature. Combien de glorieux soldats ou de profonds penseurs, figés dans le bronze, ornent les rues des villes, dominant de toute leur splendeur les passants sans qualités!

    Moquant la tradition de la statuaire civique, l'artiste pop choisit, par dérision, des objets prosaïques qu'il représente hors de proportions. La monumentalité transforme l'ordinaire en extraordinaire et confère aux objets de tous les jours une ironique importance.

 
    Claes Oldenburg est célèbre pour ses grandes sculptures. Choisissant des objets communs, il les magnifie en leur donnant une taille démesurée: pomme, prise électriqueplumes au Guggenheimvolantpince à linge. Son couteau suisse, à Venise en 1985, voguait sur l'eau, ce qui est plus surprenant pour un couteau que pour une volaille d'eau (voir le canard géant de Hofman à Nantes).



           pomme.jpgTrognon de pomme, Oldenburg, Californie

 Photo Happyvia     

   


   Sur l'esplanade de la Défense se trouve deux monumentaux personnages entourés de gratte-ciels. Conçus par Joan Miro en 1976, ils sont colorés et maladroits comme des modelages enfantins. Monstres débonnaires, ils semblent bavarder.


La-Defense-Miro-0942.jpgSculpture de Joan Miro à La Défense près de Paris
au fond, un stabile rouge de Calder

 

    Jim Dine  livre une grande statue de Pinocchio qui trône à un rond-point de Boras, en Suède, comme jadis les généraux illustres au centre des places. Le petit garçon de bois devient lui aussi un modèle à admirer.
 

Bronze peint de Pinocchio de Jim Dine
Boras, Suède


   
A l'entrée du Palazzo Grassi à Venise, trône Balloon Dog, de Jeff Koons, un chien fait de ballons pincés comme en proposent les camelots. Le chien monumental parade ironiquement devant le Grand Canal, haut lieu de culture traditionnelle (video). A Bilbao, Jeff Koons imagine un chiot, Puppy, de douze mètres de haut, fait d'une armature de métal et de fleurs fraîches. A Versailles, Koons expose Split-Rocker: une tête de cheval à bascule géante recouverte, elle aussi, de cent mille fleurs fraîches.
 


Split-rocker de Jeff Koons, Orangerie de Versailles



    Plus menaçante, Mama, l'araignée de Louise Bourgeois se joue de nos phobies.




Maman (1999), araignée géante de Louise Bourgeois
aux Tuileries



    Se moquant joyeusement du réalisme socialiste, les artistes russes et chinois créent des sculptures monumentales. Sous la verrière du Grand Palais, Sydorenko expose un homme rouge montrant résolument le chemin de l'avenir.


Art-Paris-Sydorenko-statue-rouge.jpg Homme rouge, Sydorenko, ArtParis


à suivre ...


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Palagret
octobre 2007
art monumental


 

 

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15 août 2007 3 15 /08 /août /2007 18:59
  
Le naufrage du canard géant


    Tandis qu'une flotille de canards errants est attendue sur les côtes d'Angleterre, un canard solitaire a fait son apparition à Saint-Nazaire. Gonflé de son importance, le géant jaune barbote dans un bassin, sous l'oeil admiratif des badauds.



canardfoule1.jpgLe canard géant de Florentijn Hofman dans le bassin de Saint-Nazaire


    Ce canard haut de 25 mètres est l'oeuvre de Florentijn Hofman, un plasticien hollandais qui pratique l'art monumental. Il a déjà réalisé tout un bestiaire: un lapin vert de douze mètres à Rotterdam, un rat couché sur le dos long de 31 mètres et, entre autres, un chien de couleur rouge, haut de 25 mètres. Cette fois-ci, la dernière création de Hofman est mobile. Posé sur un radeau, le géant gonflable devait lentement descendre la Loire de Saint-Nazaire à Nantes et croiser les autres installations d'Estuaire 2007, la «biennale d'art contemporain de Nantes à Saint-Nazaire » organisée par Jean Blaise.


Voir la video d'amateur sur Dailymotion


    Dès les essais effectués quai des Charbonniers, le canard post-atomique a donné quelques sueurs froides aux organisateurs. Après s'être gonflé doucement, son enveloppe a commencé à fuir et la belle tête jaune qui dépassait des hangars s'est affaissée. Une apparition-disparition qui a dû surprendre les dockers et les marins des quais de Saint-Nazaire. Des techniciens venus de Hollande ont vite racommodé le canard aplati. Hélas le prodige s'est encore dégonflé et s'est retrouvé le bec dans l'eau. L'oeuvre est un défi technique et elle résiste bien mal aux frottements, au mauvais temps et aux vents violents. Le canard géant est-il seulement sorti du bassin? Ce n'est pas très clair.




24h-canard2.jpgLe canard géant de Florentijn Hofman dans le bassin de Saint-Nazaire


    Finalement, après bien des déboires, le canard a dû renoncer à son voyage; il voulait rivaliser avec l'éléphant mécanique de Nantes.
 
    L'ambition l'a perdu et il n'est plus qu'un amas de bâche jaune déchirée. Après avoir fait beaucoup parler de lui, il retombe dans l'oubli. Pas de pitié pour les canards boîteux. S'il a du plomb dans l'aile, ce n'est pas, pour une fois, la faute des chasseurs qui n'ont même pas eu l'occasion de lui tirer dessus. La seule mitraille qu'il ait reçue est celle des photographes.





    Les chiots, comme les petits canards de bain ou les ours en peluche, appartiennent au bestiaire de notre enfance. Quand l'art pop s'approprie cette imagerie populaire, il en fait des oeuvres joyeuses et kitsches (Jeff Koons).

     Quand un canard nous domine de ses 25 mètres, nous regardons le paysage différemment, notre perception du réel est remise en question. Même si nous ne fuyons pas comme devant un insecte monstrueux, la différence d'échelle nous trouble. Nous sommes dans le domaine du rêve que le cinéma exploite si bien. Voir tous les films de science-fiction ou une pieuvre, un gorille, une mante religieuse ou une Chose indéfinie, ayant subi une altération génétique, terrorise les pauvres humains.
 
    A l'annonce d'un canard titanesque descendant la Loire, de nombreux rêveurs sont partis pour Nantes. La question de savoir s'il s'agit d'art contemporain, d'une oeuvre sérieuse ou ironique ou simplement d'une attraction foraine est secondaire. Seule comptait la vision de cette créature improbable, la tête touchant les nuages, se courbant vers des bateaux et des hommes minuscules tel un Godzilla débonnaire.

    Le gentil monstre échauffait les esprits des pour (vive la biennale) et des contres (c'est Dineyland, argent public gâché etc). Le canard est maintenant terrassé, l'ordre du monde est rétabli mais aucun héros ne peut se vanter de cette victoire.

    Le 29 août, les touristes déçus pourront se rattraper avec les milliers de reproductions du canard d'Hofman vendues au profit du Secours populaire. Les boutiques de la ville sont déjà envahies de volatiles jaunes bien dérisoires. Le canard qui voulait se faire plus gros qu'un boeuf sera peut-être réparé pour la biennale 2009.


   
canard géant de Florentijn Hofman à Saint-Nazaire.
Photo: lleriton



 
    En attendant, dans un étang de Moselle, de vrais canards sont morts de fièvre aviaire.




Un machinima amusant: L'attaque du canard géant



                                                                                         Catherine-Alice Palagret
                                                                                                                 août 2007


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