Suivant la mode des selfies et de la participation des visiteurs, le Musée du Jeu de Paume nous encourage à photographier les "protographies" et les installations d'Oscar Muñoz.
Ambulatorio, [Déambulatoire], 1994, Oscar Muñoz
Photographie aérienne encapsulée dans du verre sécurité, bois et aluminium, 36 modules,
100 x 100 cm chaque.
A l'entrée de l'exposition d'Oscar Muñoz, une grande photographie aérienne de la ville colombienne de Cali est posée sur le sol et il faut marcher dessus pour accéder aux autres salles. Nous sommes encouragés à craqueler le verre sécurit et à envoyer nos photos sur le net.
#marchez sur cali et partagez votre photo, Oscar Muñoz, Musée du Jeu de Paume
Ainsi, jour après jour, l'oeuvre d'Oscar Muñoz se modifie aléatoirement sous le poids des visiteurs. Nos pas créent de nouvelles lignes qui se mêlent au tracé rectiligne des rues modernes et au chaos des anciens quartiers. Le temps de l'exposition, l'oeuvre vit et se fragmente.
Oscar Muñoz, Ambulatorio par Palagret
Le plasticien colombien Oscar Muñoz travaille sur le temps, l'instabilité et la disparition de l'image, utilisant des matériaux et des supports peu courants dans la photographie: poussière de charbon, plâtre, sucre, eau et rideaux de douche (cortinas de baño).
Au sol, Ambulatorio
au mur à droite Inquilinatos (taudis), dessin au graphite, 1979
à gauche, El puente (le pont) deux vidéos d'Oscar Muñoz
Les deux vidéos d'El puente (le pont) représentent des visages anonymes projetés d'un pont sur une rivière, à l'endroit même où des photographes de rue prirent ces clichés dans les années cinquante. Tirés de l'oubli, les visages s'affichent fugacement sur l'eau, fantômes hésitants, avant de disparaître, déformés par le courant. Pour Oscar Muñoz, c'est une métaphore du souvenir et de l'oubli, de la fragilité de la mémoire.
El puente (le pont), 2004, video d'Oscar Muñoz
à suivre ...
Oscar Muños
Protophotographies
Musée du Jeu de Paume
Du 3 juin au 21 septembre 2014
Photographie de la ville de Cali fragmentée par le pas des visiteurs, Oscar Muñoz
Palagret
photographie, apparition, disparition
août 2014
Dossier de presse:
Oscar Muñoz, né en 1951 à Popayán (Colombie), est considéré comme l’un des artistes contemporains les plus importants de son pays natal, tout en suscitant l’attention de la scène internationale. Diplômé de l’Institut des Beaux-Arts (Instituto de Bellas Artes) de Cali, il développe, depuis plus de quatre décennies, une œuvre autour de l’image en relation avec la mémoire, la perte et la précarité de la vie. Grâce à des interventions sur des médiums aussi différents que la photographie, la gravure, le dessin, l’installation, la vidéo et la sculpture, son œuvre défie toute catégorisation systématique.
L’exposition « Protographies » (un néologisme qui évoque l’opposé de la photographie, le moment antérieur ou postérieur à l’instant où l’image est fixée pour toujours) présente l’essentiel de ses séries, regroupées autour des thématiques majeures de l’artiste, qui mettent en rapport de façon poétique et métaphorique son vécu personnel et les différents états de matérialité de l’image. Il associe par exemple la dissolution de l’image, son altération ou sa décomposition avec la fragilité de la mémoire et l’impossibilité de fixer le temps ; ou encore l’évaporation et la transformation de l’image avec la tension entre la rationalité et le chaos urbains. Enfin dans la majeure partie de son travail, il crée des images éphémères qui, en disparaissant, invitent le spectateur à une expérience à la fois sensuelle et rationnelle.
Oscar Muñoz débute sa carrière dans les années 1970 à Cali, dans un contexte d’effervescence culturelle et pluridisciplinaire intense qui a permis l’émergence d’une génération d’écrivains, de photographes, de cinéastes et d’artistes de premier plan, tels que Carlos Mayolo, Luis Ospina, Fernell Franco ou Andrés Caicedo. À cette époque, Muñoz travaille avec le dessin au fusain sur des grands formats, mettant en exergue des personnages tristes, parfois sordides, empreints d’une profonde charge psychologique. Dès lors, s’affirment les axes fondateurs de sa pratique : parmi ceux-ci, un intérêt constant et marqué pour l’aspect social, un traitement très spécifique des matériaux ; l’utilisation de la photographie comme outil de mémoire ; la recherche des possibilités dramatiques des jeux d’ombre et de lumière en relation avec la définition de l’image. Par ailleurs, l’artiste a développé une approche phénoménologique du minimalisme, en insistant sur la relation entre l’œuvre, le spectateur et l’espace qui les accueille.
Au milieu des années 1980, Oscar Muñoz s’éloigne des méthodes artistiques traditionnelles et commence à expérimenter des procédés innovants en créant une véritable interactivité avec le public. Il va, dès lors, travailler à une remise en question radicale de l’exercice du dessin, de la gravure, de l’utilisation de la photographie, de la relation de l’œuvre avec l’espace. Il abandonne ainsi les formats et les techniques traditionnelles – tout en conservant leurs racines et leurs ressorts principaux – pour enquêter sur l’éphémère en mettant en valeur les qualités essentielles des matériaux employés et leurs associations poétiques. L’utilisation des éléments fondamentaux – l’eau, l’air et le feu – renvoie au processus, aux cycles et aux manifestations transcendantales de la vie, de l’existence et de la mort. « Mon travail tente de comprendre comment le passé et le présent sont plein de faits violents », dit l’artiste. En utilisant des médiums très différents, Oscar Muñoz efface les frontières entre chaque discipline à travers l’utilisation de procédés innovants et uniques.
L’exposition « Protographies » présente des séries d’œuvres regroupées autour des thématiques majeures de l’artiste, depuis ses œuvres sur papier et séries en grand format de dessins hyperréalistes au fusain (1976-1981) – au sein desquels se manifeste un intérêt profond pour le contexte social –, en passant par les dessins et les gravures réalisés à partir des années 1980, qui marquent l’abandon du papier au profit de l’exploration de matériaux et de processus non conventionnels (impression sur plastique mouillé, utilisation du sucre et du café, etc.), ses recherches engagées dans les années 1990 et 2000 sur la stabilité de l’image et sa relation avec les processus de la mémoire ; jusqu’à ses derniers travaux (2009-2014), inscrits dans un processus constant d’apparition et disparition, dont une nouvelle création produite spécifiquement pour l’exposition.