22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 14:02


    Il y a aujourd'hui tellement de  vide-greniers, bric-à-brac, foires à tout et brocantes qu'il est question de limiter à deux fois par an les manifestations par commune ou quartier. Seul les résidents pourraient y participer. Les  vide-greniers sont en effet infiltrés par des brocanteurs professionnels. On les reconnaît à la qualité de leur marchandise mais aussi à leur agressivité: ils ne sont pas là pour s'amuser mais pour gagner leur vie. Au contraire, les associations qui cherchent à récolter un peu d'argent pour la fête de l'école ne s'offusquent pas des hésitations des clients devant un panier d'osier à un euro.

   

Robes africaines neuves accrochées à l'arrêt de bus
vide-grenier à Paris



    Ces grands déballages de printemps parlent de notre rapport à l'objet, de notre amour et de notre désamour. Combien de temps faut-il pour qu'une robe, de démodée devienne vintage? Combien de temps faut-il pour qu'un horrible souvenir de vacances soit recherché par un collectionneur.



Trophée de chasse: bois de cervidés ?
vide-grenier à Paris



    Les bibelots balnéaires faits de vrais coquillages soigneusement collés autour d'une baigneuse ou d'un marin sont aujourd'hui en plastique. Les jouets  mécaniques tout en fer qu'on remonte avec une clef ne se trouvent plus que chez les antiquaires ou dans les foires spécialisées. Les clowns, les otaries dansantes et les acrobates chinois ou slovaques ont des roues en plastique. Les fast-food éditent des jouets à remonter tout plastique, avec leur logo dessus, et les gamins les plus malins les présentent comme des pièces exceptionnelles. Les pin's se font rares. Les étals hétéroclites des vide-greniers témoignent du temps qui passe et n'importe quoi  prend de la valeur.

 

Mannequin sans tête, robe rouge accrochée aux grilles, vide-grenier à Paris



    Chaque étal est une nature morte, un memento mori. Les strates du temps révèlent l'évolution du goût, de la mode et de la décoration populaire, loin des luxueux magazines. On remarque les changements de technique de fabrication, l'émergence de nouveaux matériaux. Les vide-greniers vont de pair avec la société de consommation. Les gens accumulent de plus en plus de choses inutiles puis ils s'en débarassent, mais ils ne les jettent pas; les objets sont remis dans le circuit commercial de l'occasion.

    Les vides-grenier sont un vaste champ d'étude pour les archéologues du quotidien et les sociologues. Il est d'ailleurs amusant d'utiliser le mot grenier qui renvoie à un passé révolu. La majorité des habitants vivent en ville ou dans des lotissements sans grenier. Le grenier de nos arrière-grands mères appartient à une civilisation en voie de disparition.

         

vêtements d'occasion, vide-grenier à Paris                  

                                                                                                 

    La mode des vide-greniers vient des garage sales aux États-Unis où les particuliers mettent en vente devant leur garage les biens dont ils n'ont plus besoin ou qu'ils n'aiment plus. Les "spring cleaning" (nettoyage de printemps), variante saisonnière, permettent de faire le vide avant de faire le plein. A la différence de la France, un vide-greniers peut être organisé par un seul foyer pour cause de déménagement, de séparation ou de décès.


      Garage sale aux Etats-Unis


    Certains habitants vendent parce qu'ils sont expulsés. La crise des sub-primes aux Etats-Unis jettent à la rue des milliers de propriétaires incapables de payer les mensualités de leur maison. Leur pavillon repris par les banques, sommés de déguerpir, ils essayent de vendre leurs meubles, leur appareils ménagers et leurs bibelots: l'histoire d'une vie offerte à tous les regards. Certains en font une fête, une fête au goût amer, entre voisins pour se dire au revoir  avant de partir vers un avenir incertain.



vêtements d'occasion au vide-grenier
vide-grenier à Paris

 

 


Lire le début: Horreurs kitsches et précieuses trouvailles

Vide-greniers sous la pluie de printemps en Languedoc

 

Le bestiaire des vide-greniers  

 

 

Palagret
archéologie du quotidien
mai 2008


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