28 octobre 2011 5 28 /10 /octobre /2011 09:32

 

    Au bout du long couloir blanc, encadrée par l'arrondi de la voûte, une bouche géante nous guette. En passant, les voyageurs jettent un coup d'oeil distrait sur la mosaïque de Geneviève Cadieux, peu troublés par l'énormité de cette bouche aux lèvres fermées. 

 

     Les gros plans du cinéma, les affiches publicitaires et l'art pop nous ont habitués à voir des détails du corps humain démesurément agrandis. Une étrangeté qui ne nous inquiète plus. 

 


 

 

Voix lactée Geneviève Cadieux 2 "La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare

mosaïque de verre de 3 x 8 mètres

 

 

   

    Parfois un couple d'amoureux s'arrête devant les lèvres fardées d'écarlate et se photographie comme ils se photographieraient devant le coeur géant de Jeff Koons. Les lèvres sont une image sensuelle, elles appartiennent à l'iconographie érotique.



 

Voix lactée Geneviève Cadieux 0 "La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare

 

 

 

 

   "La voix lactée", image de lèvres isolées du reste du visage pourrait être une publicité pour un rouge à lèvres. Geneviève Cadieux utilise les codes de la communication commerciale pour mettre en évidence le regard masculin qui transforme la femme en objet sexuel. Cependant, en regardant bien, on s'aperçoit que ces lèvres ne sont pas celles d'une jeune femme. L'artiste a photographié le visage de sa mère et isolé la bouche. Le passant ignore cette deuxième signification qui renvoie à la maternité et à l'intime.

«Dans mon œuvre, les  lèvres  étaient  transgressives  en  ce  sens qu’elles étaient  vieillissantes  et  que  le  travail  était  réalisé  par  une femme. C’était comme si je revendiquais une voix», explique Geneviève Cadieux.1

 

 

 

 

Voix lactée Geneviève Cadieux 4

"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare

 

 

 

   Le mur voûté au bout du couloir fonctionne comme une fenêtre où viendrait se coller la bouche d'une géante dont le visage trop énorme ne peut entrer. On songe à King Kong dans le film, l'oeil encadré par la fenêtre, espionnant la jeune fille réfugiée dans l'immeuble. On songe à Gulliver ou à Alice au pays des Merveilles tantôt trop petits pour le décor où ils évoluent, tantôt trop grands.

 

    A la télévision, une publicité récente joue aussi sur la différence d'échelle en montrant un visage s'encadrant dans la baie vitrée du métro aérien.


 


Voix lactée Geneviève Cadieux mosaïque"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare

 

 

 

 

  Accompagnant l'oeuvre plastique, quelques lignes d'"une fois seulement", un poème d'Anne Hébert sont inscrites en noir dans un bandeau, sur le mur gauche du couloir:

Bien avant les images et les couleurs

La source du chant s'imagine

A bouche fermée

Comme une chimère captive 


 

 

Voix lactée Geneviève Cadieux Anne HébertPoème d'Anne Hébert pour la Voix Lactée

 

 

 

 

    Comme les carreaux de faïence blanche, la mosaïque pariétale réfléchit doucement la lumière des néons. Geneviève Cadieux est une artiste canadienne née en 1955. Elle s'intéresse au corps, à l'intimité et au féminisme.

    La Voix Lactée, mosaïque de verre du métro parisien est une variation de la photo géante exposée depuis 1992 sur le toit du Musée d'Art Contemporain de Montréal. Tel un panneau publicitaire géant, la photo est visible de la rue et s'inscrit dans l'espace public, tout comme les lèvres du métro.

 


 

Voix-lactee-Genevieve-Cadieux-8.jpg

"La voix lactée", mosaïque de Geneviève Cadieux, métro Saint-Lazare

 

 


 

   En 1966, la RATP a prêté puis donné à la STM (Société de transport de Montréal) une bouche de métro parisien signé Hector Guimard (station Square-Victoria). En échange, la STM offre au métro de Paris une oeuvre d’art ayant pour thème la langue française: La voix lactée.

 

   La mosaïque est située au métro Saint-Lazare dans le couloir de correspondance entre la ligne 14 et la ligne 9 à Saint-Augustin.

 

 

 

 

Liens:

Une voix féministe de l’intime, Julie Lavigne, Université McGill

 

 

 

 

Palagret

octobre 2011

archéologie du quotidien

 


 


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