Dans une vitrine ancienne, digne d'un cabinet de curiosités, sont exposés des coraux, des mollusques, des sceaux, une sélection hétéroclite de Mark Dion représentant le monde marin, végétal et humain des origines à nos jours.
Arabesque rarities, Mark Dion, collège des Bernardins
A côté du vivant, Mark Dion aligne des objets façonnés par l'homme, des outils, des boîtes, des statuettes, des sceaux et pour finir une chaîne, comme trouvés dans une fouille archéologique fantaisiste. Ici la nature et la culture se succèdent dans une pseudo-classification scientifique. Les artefacts sont en plasticine blanche, dépouillés de couleur, indistincts, comme des fossiles ou des moulages. Tel est "Arabesque rarities, the botanical world, the sea and the realm of humankind", présenté par Mark Dion sous diverses formes depuis 2010.
Arabesque rarities, Mark Dion, collège des Bernardins
Mark Dion s'intéresse à la collecte archéologique, à la classification, à la muséologie et à l'idéologie qui les constitue. La démarche scientifique le fascine et il la pastiche avec ironie en exposant des objets sans réelle valeur aux yeux des chercheurs. Il souligne ainsi que les musées racontent une histoire partiale, subjective.
Arabesque rarities, Mark Dion, collège des Bernardins
Dans l'exposition César, le Rhône pour mémoire à Arles en 2010, Mark Dion, dialoguant avec de vrais archéologues, présentait une reconstitution d'un département de recherche archéologique sous-marine. Tout y était, le bureau, les casiers, les outils, la réserve et bien sûr une vitrine contenant les précieuses découvertes remontées du fleuve.
Cabinet de curiosités, Mark Dion, Arles
Mark Dion s'est intéressé à ce qui est laissé par les chercheurs dans le lit du fleuve, de prosaïques objets contemporains. Le plasticien américain a lui-même plongé dans les eaux troubles du Rhône pour en ressortir un couvercle de casserole blanc qu'il expose mêlé à des bocaux de spécimens rares trouvés dans les réserves du musée. Au lieu de n'entasser dans son cabinet de curiosités que des marbres romains et des débris d'amphores, Mark Dion y présentait ce qui ressort de fouilles alternatives: une plaque émaillée de coiffeur, des capsules de coca-cola, une roue, le tout aussi soigneusement cartographié, dessiné, répertorié et étiqueté qu'une délicate sculpture de déesse.
Cabinet de curiosités, Mark Dion, Arles
A Monaco, pour l'exposition Océanomania, Mark Dion crée un vrai cabinet de curiosités marin avec des pièces venant exclusivement du musée. Immense, l'installation fait 180 m2, 18 mètres de large sur 10 mètres de haut. A gauche les traditionnelles naturaliae: squelettes, fossiles, bocaux de coquillages, gros poissons empaillés et un ours blanc du Groenland. A droite les artificialiae: maquettes de bateau, livres précieux, objets divers et le scaphandre de Klingert (1707).
Cabinet de curiosités, Mark Dion, Musée Océanographique de Monaco
Il semble manquer à ce cabinet de curiosités monégasque des objets fantaisistes à l'authenticité douteuse qui caractérisent tout vrai cabinet de curiosités. Mais il faudrait y regarder de plus près car Mark Dion y a peut-être glissé des artefacts de son cru comme une cannette de soda calciné.
Theatrum mundi, Mark Dion
Les cabinets de curiosités de Mark Dion sont des theatrum mundi, des théâtres du monde, dans la droite ligne des chambres des merveilles de la Renaissance mais il les déconstruit avec humour. Le plasticien, à la fois chercheur, entomologue, naturaliste, artiste et curateur, interroge l'archéologie et la muséologie en créant des installations fictives où le réel et l'imaginaire se côtoient.
Tate Thames Dig, Mark Dion à l'oeuvre
Déjà en 1992, Mark Dion creusait dans la jungle brésilienne (a meter of jungle), en 97 il explorait les canaux de Venise (Raiding Neptune’s Vault: A Voyage to the Bottom of the Canals and Lagoon of Venice), en 99 lui et ses assistants ratissaient les rives de la Tamise (Tate Thames Dig) ramassant des coquilles d'huîtres et des débris de plastique, en 2001 il creusait son propre jardin (New England Digs) et en 2004 le sous-sol du Museum of Modern Art de New-York (Rescue Archaeology). Toutes ces fouilles ont donné lieu à des expositions.
Phantoms of the Clark expedition, Mark Dion 2012
The Sterling and Francine Clark Art Institute
"Comme les os blanchis des expéditions passés" les objets recréés du voyage de Sterling Clark sont fantomatiques, tous blancs sans nuances ni textures comme les raretés arabesques vues au Collège des Bernardins.
Phantoms of the Clark expedition, Mark Dion 2012
The Sterling and Francine Clark Art Institute, New-York
Qu'il entreprenne des fouilles archéologiques ou documente les voyages d'un naturaliste (the Bartram project), d'un explorateur en Chine (Phantoms of the Clark expedition, 2012) ou le séjour de Sir William Hamilton à Naples (2013), Mark Dion, avec obstination et humour, poursuit le même but: interroger le monde et le sens que nous lui donnons. Les cabinets de curiosités illustrent l'illusion de posséder la totalité du monde en le collectionnant dans une quête sans fin vouée à l'échec.
Cabane Sommer, Mark Dion, Musée de la chasse, Paris
Liens sur ce blog:
Les faux Arcimboldo du cabinet de curiosités d'Aristide Sauveterre
Le cabinet de curiosités de M. Aristide Sauveterre
Anne et Patrick Poirier à Chaumont sur Loire, "Capella dans la clairière", archéologie fictive
Mark Dion Phantom of the Clark expedition
Video: installation du cabinet de curiosité de Mark Dion au Musée Océanographique de Monaco
Palagret
cabinet de curiosités
mars 2013