14 septembre 2008 7 14 /09 /septembre /2008 23:32

    Un veau aux cornes d'or, un zèbre, des requins, une licorne décapitée, un cochon ailé, tous préservés dans un bac de formol. Amusante et horrible, cette morbide ménagerie est vendue aux enchères le lundi 15 et 16 septembre à Londres. Damien Hirst, ex "Young British Artists" aujourd'hui âgé de 43 ans, court-circuite les galeries, en proposant 223 oeuvres récentes, "Beautiful Inside My Head" (Beau dans ma tête pour toujours), chez Sotheby's.


Damien Hirst posant devant le zèbre
The incredible journey



     L'estimation de la vente était de 82 millions d'euros, Hirst triomphe et récolte  140 million euros. Après une première journée d'enchères, Damien Hirst avait déjà gagné son pari. “The Golden Calf,” un veau blanc plongé dans du formol orné de cornes et de sabots d'or de 18 carats et d'un disque d'or sur le tête a été adjugé $23.6 million alors qu'il était  estimé à $15.8 million. Le veau d'or devient la nouvelle idole du marché de l'art.


Veau aux cornes d'or de Damien Hirst
"The golden calf"
    Les enchères, où seuls des invités pouvaient assister, ont débuté par “Heaven Can Wait” (le ciel peut attendre), un triptyque de papillons et de diamants estimé à £500,000. Une telle vente, sur deux jours, est une première dans le monde de l'art et pourrait en modifier les règles.




Le veau aux sabots d'or
The golden calf



      En ignorant ses deux principaux galéristes, Jay Jopling de la White Cube Gallery à Londres et Larry Gagosian à New-York, qui touchent environ 30 % des ventes, Damien Hirst entretient sa réputation de provocateur. Les deux galéristes, pas rancuniers, ont assisté à la vente.





 salle d'exposition chez Sotheby's


    Damien Hirst s'est fait connaître en 1992 à la Biennale de Venise, par une vache et son veau coupés en tranches dans du formol (Mother and Child Divided). Il a continué à marquer les esprits avec, entre autres, un requin plongé dans le formol (The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living) puis par un crâne incrusté de diamants, "For The Love of God ". Aujourd'hui il inonde la marché avec 223 oeuvres, nouvelles ou variations sur d'anciens thèmes.



crâne incrusté de diamants de Damien Hirst
"for the love of God"



   Chez Sotheby's, Damien Hirst propose la série des « cabinets » (vitrines) remplis de mégots de cigarette, de boîtes de pilules ou de médicaments, des crânes décorés, des peintures de papillons multicolores (de vrais papillons collés dans  la peinture), des peintures rotatives (spin paintings) et des spot paintings.

   Tant de travail n'est pas l'oeuvre d'un seul homme. Hirst, comme Jeff Koons ou Murakami, est un entrepreneur; il dirige plusieurs ateliers et environ 180 personnes travaillent à produire des "Damien Hirst".



Spot painting, Damien Hirst



" - Combien de «Spin Paintings», de «Spot Paintings» sont sortis de votre studio?
      - Peut-être 1000 «Spot Paintings». J'ai peint moi-même les 5 premiers. Quand j'ai commencé cette série, je l'ai conçue comme une série illimitée. Je les signe tous, en général au dos. Très rarement sur la toile devant, sauf si j'aime vraiment beaucoup cette pièce. Il y a peut-être 300, 400 «Spin Paintings», tous des formats différents. A peu près autant de «Butterfly Paintings». Je vais arrêter tout ça. La vente aux enchères est un bon moyen. J'ai besoin de place dans ma tête pour faire autre chose." 2


      The Physical Impossibility of Death in the Mind of Someone Living

 

    "Je fais des cauchemars. J'imagine entendre: 'Lot 9 – pas d'offre. Lot 10 – toujours pas d'offre », dit Damien Hirst, conscient du risque qu'il prend. 1
 
« J'aime bien prendre le mauvais chemin....   Il s'agit de planter un drapeau sur la lune, d'être le premier artiste à aller directement du studio aux enchères, «it's great !». Il y a une sorte de bravoure associée à ça. Beaucoup de jeunes artistes me trouvent «cool» de prendre un pareil risque à ce point de ma carrière. Il est très tentant de ne plus prendre de risques quand on vit déjà le succès."  2



Licorne de Damien Hirst
The incredible journey



    En s'attaquant aux lois du marché, Damien Hirst veut démocratiser l'art: «Vous n'avez pas besoin de vous y connaître en art ou d'entrer dans une galerie pour qu'on vous dise ce qui est bon. Si ça a l'air bon, alors c'est bon »1.

    Richard Prince
lui aussi a vendu des oeuvres directement au public à la fin de son exposition à la Serpentine Gallery. C'est une évolution nouvelle, du producteur au consommateur, inspiré du modèle d'internet où des musiciens vendent leur musique en se passant des maisons de disques. Mais, dans le monde de l'art, les sommes engagées sont colossales et seuls les riches collectionneurs, ou spéculateurs, peuvent participer aux enchères. La collusion entre l'art et l'argent est totale et on ne sait plus si on parle de valeur artistique ou de valeur commerciale. Sur un de ses dessins Damien Hirst a écrit: « Tout ce qu'il touche se transforme en or et il en meurt.” en une ironique référence au roi Midas.



Requin de de Damien Hirst
The kingdom




   Damien Hirst aime se promener au Musée d'histoire naturelle de Londres et on l'imagine bien furetant dans l'obscure échoppe d'un taxidermiste. Les extravagants bovins coupés en deux ou les fausses chimères conservées dans les aquariums trouveraient leur place dans un cabinet de curiosités. Associant la mort et le luxe, le plasticien incruste des crânes de diamants et pare d'or les cornes d'un Minotaure, nouvelle variation des « vanités ». Ces fausses idoles, modernes "memento mori", sont couvertes de métaux et de pierres précieuses comme si la richesse pouvait combattre la pourriture. Son obsession pour la décomposition est proche de celle de Peter Greenaway dans le film « Zoo ».



Crâne et médicaments
oeuvre de Damien Hirst



    Damien Hirst est avec Jeff Koons l'un des artistes vivants les plus chers au monde. Alors que Jeff Koons envahit Versailles, à Londres, Damien Hirst agite le milieu des galéristes, des collectionneurs et des spéculateurs.

    A l'heure où plusieurs grandes banques américaines sont en faillite, l'audace de Damien Hirst prouve, qu'en dépit d'une situation économique difficile, il y a toujours des acheteurs d'art, amateurs ou spéculateurs, sur le marché mondial.

A la fin de la vente, Damien Hirst a déclaré: "Je suis complètement épuisé et émerveillé que l'art se vende alors que les banques s'écroulent....Ca veut peut-être dire que les gens préfèrent mettre leur argent dans des papillons plutôt que dans les banques. - J'y vois un monde meilleur." 3

 

 

 

Liens sur ce blog:

La mort annoncée de Damien Hirst, un canular du Village Voice

Paul McCarthy, un autre provocateur


l'art rigolo

Catherine-Alice Palagret
août 2008
art contemporain



1- in Telegraph, 10.09.08
2- in LeFigaro.fr, 5.09.2008
3- in
TheHerald 16.09.2008

 

 


Partager cet article
Repost0

commentaires