2 janvier 2008 3 02 /01 /janvier /2008 20:45

Un arbre pétrifié dans les jardins de Le Nôtre



    Dans un rectangle de verdure gît l'arbre pétrifié de Giuseppe Penone, comme arraché par un vent puissant, déraciné, privé de l'humus nourricier.  L'arbre des voyelles est un moulage en bronze d'un chêne de quatorze mètres de long et au contraire de son modèle déjà retourné à la terre, il ne pourrira pas.

 

undefinedarbre des voyelles de Guiseppe Penone, photographié en hiver



    "Si j'ai utilisé le bronze, c'est parce qu'il est une fossilisation idéale du végétal. Le bronze a ses racines dans une culture qui est l'animisme et je ne peux penser qu'elle ait utilisé des techniques qui n'étaient pas en liaison avec la brutalité de la nature. Enfin c'est un matériau qui, si on le laisse à l'extérieur, à toutes les intempéries, prend une oxydation dont l'aspect est très similaire à celui de la feuille ou du fût des arbres."
Giuseppe Penone.



undefinedarbre des voyelles de Guiseppe Penone. Gros plan des racines



    Contredisant la maxime d'Héraclite l'obscur, "Ta panta rei, ouden menei", "tout change, rien ne perdure", Giuseppe Penone suspend le temps, jouant avec la notion de pourrissement et d'intemporalité. C'est une méditation romantique sur la fragilité des choses. La sculpture nous renvoie ainsi à la terrible tempête de 1999, la tempête du siècle, qui a dévasté la forêt française. Réminiscence ou plutôt prémonition d'un cataclysme (l'oeuvre date elle aussi de 1999), l'arbre est simplement beau, d'une force brutale liée à la violence des éléments qui l'ont terrassé. D'une beauté aujourd'hui apaisée au milieu des herbes et des fleurs qui chaque printemps l'encerclent un peu plus. Un memento mori qui nous renvoie à notre propre mortalité
 


undefinedarbre des voyelles de Guiseppe Penone, photographié en hiver



    L'oeuvre s'inscrit parfaitement dans le paysage. Elle change au gré des saisons soulignant l'ambiguïté entre l'artifice et la nature.  De loin on pourrait ne pas l'identifier comme une création humaine tant l'arbre se confond avec la végétation. En même temps l'arbre déraciné s'oppose ironiquement à la perfection classique des parterres. Quel jardinier laisserait un arbre mort au beau milieu d'un jardin à la française, un jardin dessiné à l'origine par Le Nôtre au 17è siècle?

    Pourquoi l'arbre des voyelles? Y-a-t-il un rapport avec le poème de Rimbaud? Avec la sculpture cubiste de Jacques Lipchitz " Le chant des voyelles"? Lipchitz précisait en 1948 que le titre de sa sculpture, une harpe,  n'avait pas de rapport  avec le poème rimbaldien mais avec une légende de l'Egypte ancienne selon laquelle existe une prière, le chant des voyelles, pour appeler, ou exorciser, les forces de la nature.

    Ici au jardin des Tuileries, les forces de la nature ont eu raison de l'arbre mais comme dans les forêts préhistoriques pétrifiées, l'arbre survit, ou plutôt son image, pris dans une élégante gangue de bronze.



    Giuseppe Penone est né en 1947 en Italie. Il est issu de l'arte povera. La nature, source de son inspiration, nourrit toute son oeuvre.

    L'arbre des voyelles est une commande du Ministère de la Culture et de la Communication. Il a été réalisé avec la participation de Pascal Cribier, architecte paysagiste. Le moulage en bronze, commande publique, résistera au temps et ne risque pas de connaître de problème de maintenance comme l'installation complexe des colonnes de Buren dans la cour du Palais Royal.


    A coté des sculptures mythologiques classiques et des oeuvres de Maillol, le jardin de sculptures des Tuileries comprend, depuis 1998, de nombreuses oeuvres contemporaines.


Photos de l'arbre des voyelles au printemps


Liens sur ce blog:

Giuseppe Penone, Elevazione et idée de pierre à Versailles dans le bosquet de l'étoile
Giuseppe Penone: Matrice de sève, un arbre abattu aux Beaux-Arts
Giuseppe Penone: une branche tombée à la Fondation Cartier

L'araigée géante de Louise Bourgeois aux Tuileries

Richard Serra: Clara Clara  aux Tuileries

Printemps précoce aux Tuileries: trois fleurs monstrueuses de Yayoi Kusama


 

Colonnes de Buren au Palais Royal, une autre commande publique à Paris

 


Texte et photos: Catherine-Alice Palagret
janvier 2008



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