4 janvier 2008 5 04 /01 /janvier /2008 23:48


Comment se débarasser des mauvais souvenirs


     "Je veux dire bon débarras: au roman que je voulais écrire, je n'y arrive pas. Aux grasses matinées le jour des élections."
C'est le message que Daniel, créateur de pub de 35 ans, d'Hester Street, vient de glisser dans la gueule du broyeur de papiers.

 


undefined"Je veux dire bon débarras aux mauvais patrons"
Les mauvais souvenirs de 2007 le jour du Bon Débarras
Le broyeur, installé à Times Square le 28 novembre dernier par "The Time Square Alliance" déchiquète tous les mauvais souvenirs de 2007: les musiques horribles, la mode hystérique et les amours défuntes. Les mauvais karmas sont réduits en bouillie. Une sorte d'exorcisme laïc.

Amusés par ce nouveau rite de passage, les new-yorkais sont arrivés avec des liasses de vieilles factures, des lettres d'amoureux infidèles, des photos de désamour et même des grilles-pains cassés qui hélas ne rentraient pas dans la machine.

Sybill, d'Hoboken, jette des lettres qu'elle n'a pas relues depuis cinquante ans: "Je l'ai attendu longtemps mais il n'est pas revenu comme promis. Alors j'en ai épousé un autre. Nous avons trois enfants et cinq petits-enfants. Finalement, j'ai eu une bonne vie."

Ruben, la cinquantaine, chef de travaux à Hicksville, jette les graines de son perroquet qui s'est échappé: "Eugenio n'a pas dû survivre longtemps hors de sa cage. Tant pis pour lui."

Liz est venue de Brooklyn. Jeune mariée de 24 ans, elle jette des lingettes bactéricides toutes déssèchées. " Assez de ménage."

Dylan, cinq ans, porté par son père veut jetter le robot tout neuf qu'il a  écrasé en tombant dessus. Il est trop ému pour dire quelque chose. Malheureusement, les morceaux risqueraient d'endommager le broyeur et il va les jeter dans une poubelle.


undefinedle broyeur de mauvais souvenirs

En faisant la queue, les new-yorkais écrivent sur de petits papiers leur soucis, leurs phobies, leurs errements, se promettant de ne plus y penser en 2008.

Ellen, de South Plainsfield, gribouille:
"Je veux dire bon débarras: aux céréales au miel et aux OGM."

Stevens la trentaine, de Riverdrive a soigneusement écrit au dessous d'un portrait au crayon: "Que son nom soit oublié à jamais." Après cet meurtre symbolique, il repart en souriant, près à affronter la nouvelle année 2008.

Georges, 24 ans, trader à Wall Street: "Bon débarras aux réveillons du jour de l'an chez des inconnus." "L'année dernière, je me suis retrouvé dans un truc incroyable. Cette année, j'évite, c'est sûr".

     Le jour du grand débarras est, semble-t-il inspiré d'une coutume d'Amérique du Sud. En fin d'année, les mexicains dressent une liste de tous leurs mauvais souvenirs puis ils glissent le papier replié dans une poupée destinée au bûcher.
 
A Naples, pendant le réveillon du jour de l'an, les habitants jettent dans la rue des frigidaires cassés, des canapés défoncés et tous les encombrants dont ils ne veulent plus. Cette année, avec les ordures qui s'amoncellent dans les rues à cause d'une mauvaise gestion endémique, on ne verra pas grande différence.

      On observe aussi une coutume assez semblable en Océanie chez "les hommes des nuages" de Nova-Esperanza.

    Les organisateurs du Good Riddance Day ne voulaient pas transformer Manhattan en Bronx des années soixante-dix ni y allumer des feux de joie. Le choix d'un Grand Broyeur a moins de panache mais il est plus adaptée à un Time Square rénové.


undefinedle camion -poubelle de Good riddance day


     Grâce à cette cérémonie collective où chacun  tente d'effacer de sa mémoire la tristesse, les frustrations et la colère des douze derniers mois, les participants sont reparti plus légers. Un camion chargé de mauvais souvenirs réduits en fine bandelettes de papier est parti pour la décharge.

    Il est curieux que personne n'ait pensé à compresser ces messages broyés pour en faire une sculpture, comme César le fit avec les papiers des Bâlois. Au fil des ans, les compressions soigneusement numérotées, incluses dans une coque de plastique translucide pourraient être disposées en spirale dans le désert de Mojave, par exemple. Attention idée déposée!

    The Good Riddance Day est-il le début d'un nouveau rituel urbain, efficace pour les tracasseries quotidiennes mais dérisoire pour les vrais problèmes?

    L'année prochaine, verrons nous cet évènement conjuratoire à Paris, Londres ou Shanghaï? Comment appeler ce jour?

    Le jour du Bon Débarras?
    Le jour du Grand Débarras?
    Le jour du Grand Broyeur?


Et qu'écrirons nous sur ces petits papiers?


 

Liens sur ce blog:

les collecteurs de Regrets, oeuvre conceptuelle interactive de Jane Mulfinger et Graham Budgett.

 
Good Riddance Day 2008

 

Good riddance day 2011, réduisez vos mauvais souvenirs en miettes

Catherine-Alice Palagret
archéologie du quotidien
janvier 2008


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